Association Scientifique Française de Cuniculture

Les tables rondes
organisées pendant les Journées de la Recherche Cunicole

 

La table ronde 2007

Lors des 12èmes Journées de la Recherche Cunicole (Le Mans 27-28 novembre 2007) l'ASFC a animé la séance d'actualité avec une table ronde le mardi 27 novembre de 17h00 à 18h30 autour du thème:

 

Maîtrise et contrôle de l'ingéré alimentaire

 

La table ronde co-animée par François Tudela, vice-président de l'ASFC, et par François Lebas, directeur de Recherches honoraire de l'Inra (Assoc. "Cuniculture"), a été introduite par un rappel sur l'utilisation de la restriction alimentaire dans la filière cunicole.
Ensuite, les 2 communications de cette séance d'actualité ont alterné avec 4 autres témoignages issus du terrain regroupés autour de 3 thèmes :

                                     Le rationnement quantitatif (efficacité et modalités de suivi),
                                     Restriction du temps d'accès à la mangeoire
,
                                     Restriction du temps d'accès à l'abreuvoir

                                    

Il parait important de rappeler que si les 2 communications aux JRC des présentées lors de cette séance d'actualité ont été préalablement évaluées par un comité de lecture, le contenu des témoignages est fourni sous la seule responsabilité de leurs auteurs et ne saurait engager ni la responsabilité de l'ASFC, ni celle des organisateurs des Journées de la Recherche Cunicole

 

L’utilisation de la restriction alimentaire dans le filière cunicole
et les différents modes de contrôle utilisés sur le terrain
par F. LEBAS

 

Quelques rappels sur l’historique des études sur le contrôle de la consommation alimentaire

De la fin des années 1960 (début de la rationalisation) au milieu des années 1990, les lapins étaient presque toujours alimentés à volonté.
Les premiers lapins à être restreints ont été les lapines futures reproductrices dans les années 1970. Pour elles, l'objectif était d'éviter un engraissement excessif au moment de la première saillie ou de la première insémination. On parlait alors de limiter l’ingéré à 120 ou 140 g d’aliment par animal et par jour. La distribution se faisait à la main généralement une fois par jour, mais parfois aussi 3 fois par semaine seulement
(distribution par exemple, le lundi et le mercredi pour 2 jours puis le vendredi pour 3 jours). Il est évident que dans le dernier cas, les lapines subissaient des alternances de journées d'alimentation et de journées de jeune, mais le système était et est encore efficace, compte tenu du l'objectif de préparation de futures reproductrices.

Au cours des années 1970-1990, un certain nombre de travaux de type académique ont été conduits pour étudier les conséquences du rationnement et de ses modalités sur la physiologie digestive , la croissance ou même la reproduction. Par exemple en 1980 Carles et Prud'hon ont étudié l'influence du rationnement alimentaire des mères lapines sur leurs performances de reproduction, en leur permettant de boire seulement pendant 20 minutes par 24 heures. Ils ont appliqué cette restriction pendant 4 cycles consécutifs. Les résultats rapportés au tableau 1 montrent que les lapines ont assez bien supporté cette restriction et qu'elle ont eu une consommation atteignant 82% de celle des lapines alimentées à volonté. Le poids des lapereaux au sevrage a subi une réduction similaire. Si ce travail a démontré que le rationnement des lapines reproductrices ne semble pas avoir d'intérêt pour la production (réduction de près de 20% du poids des lapereaux au sevrage) , il a aussi démonté qu'en seulement 20 minutes par jour, les lapines sont capables de boire presque assez d'eau pour couvrir leurs besoins.

 

Tableau 1 : Exemple de restriction alimentaire par l’eau de boisson chez la lapine reproductrice (Carles et Prud’hon, 1980). Les lapines pouvaient boire à volonté ou seulement de 9h00 à 9h20 - Essai sur 4 cycles

           Critères
Mode d'abreuvement
Signification statistique
à volonté
20 mn par 24h
 Consommation d'aliment (g/j)
241
198 (82%)
***
 Sevrés par MB
5,18
5,02
ns
 Poids portée au sevrage (g)
2820
2295 (81%)
***
 Poids moyen (g) individuel au sevrage
544
457 (84%)
***

Dans cet autre exemple de travail académique, Perrier et Ouhayoun ont comparé les performances de croissance de lapereaux qui ont tous reçu sur la durée globale de l'engraissement seulement 80% de la quantité d'aliment spontanément consommé par un lot de lapins alimenté à volonté. L'essai ne portait pas sur l'effet du rationnement lui même, mais sur la mode de répartition de l'aliment distribué au cours de l'engraissement. Ainsi une même quantité d’aliment correspondant à 80% de l’ad libitum a été distribuée à niveau constant au lot 1, une restriction plus forte a été appliquée au lot 2 entre 35 et 56 jours (70% de la consommation spontanée) suivie d’un relâchement relatif de la restriction entre 56 et 77 j. (90% de la consommation spontanée) tandis que le lot 3 était soumis à la succession inverse (90% puis 70%) pour les même périodes. Des résultats rapportés au tableau 2, il ressort clairement qu'une restriction marquée en début d'engraissement suivie d'une distribution plus libérale (70% => 90%) permet la meilleure croissance et le plus faible indice de consommation, mais entraîne une réduction d'un point du rendement à l'abattage. Incidemment, il faut aussi noter que dans cet essai l'aliment n'a été distribué que 3 fois par semaine (cf plus haut)

Tableau 2 : Exemple de valorisation de la croissance compensatrice (Perrier et Ouhayoun, 1996). Une même quantité d’aliment correspondant à 80% de l’ad libitum distribuée à niveau constant ou restriction forte (35-56 j) suivie d’un relâchement (56-77 j) ou l’inverse
 Période globale
80% continu
70% => 90%
90% => 70%
 Consommation d'aliment
123 g/j
124 g/j
121 g/j
 Gain Moyen Quotidien (g/j)
29,9 a
32,3 b
27,9 c
 Indice de Consommation
4,13 a
3,87 b
4,40 c
 Poids vif à 77 j (g)
2302 a
2402 b
2217 c
 Rendement à l'Abattage
60,3% a
59,0% b
60,1% a
 Foie: poids en % de carcasse
4,4% a
5,5% b
4,5% a

 

A la fin des années 1980, l'équipe hongroise de Kaposvar sous la direction de Zs. Szendrö a fait une étude systématique de la quantité d'aliment ingérée par les lapins en croissance en fonction de la duré allouée pour la consommation sur 24 heures
(une période par cycle de 24 heures variant de ½ heure à 16 heures) en comparaison avec des lapins nourris à volonté (figure 1 ci-contre). Ainsi, lorsque les lapins disposent de 8 heures par jour pour consommer leur ration, ils consomment environ 80% de ce consomment les lapins alimentés à volonté. Des réductions plus drastiques du temps d'accès se traduisent par une réduction quasi linéaire de la quantité d'aliment consommée qui se réduit à 20% pour une durée d'accès de ½ heure seulement. Cette valeur est à comparer avec l'effet de la restriction du temps d'accès à la boisson à 20 minutes par 24 heures qui permet aux lapines de consommer 82% de la consommation des témoins (tableau 1).
Figure 1 : Etude de la consommation d'aliment en 24 heures en fonction de la durée d'accèsà la mangeoire, exprimée en pourcentage du lot ad libitum.

Ainsi, les lapins sont capables d'ingérer des quantités d'eau importantes en peu de temps (82% de l'ad libitum en 20 mn) alors que cela n'est pas vrai pour l'aliment solide (granulés) : il leur faut au moins 8 heures / 24h pour arriver à la même proportion de l'ingestion des animaux à volonté.

 

Figure 2: Incidence du temps d'accès à la mangeoire (8 à 24h/24) sur le gain de poids des lapins exprimé en pourcentage du lot nourri à volonté (d'après Szendrö et al., 1988)
Figure 3 : Evolution au cours des semaines d'engraissement de la proportion d'aliment consommé par les lapins ne pouvant accéder que 9 - 10 - 12 h/ 24h (graphique de gauche) ou seulement 8h/24h (graphique de droite), exprimée en pourcentage de la consommation des lapins nourris à volonté. (D'après Szendrö et al., 1988).

 

Tant que la durée d’accès reste est supérieure à 8 h par jour, la croissance est peu ou pas affectée (sur la durée globale de l’engraissement). Avec une restriction à 8h/24h, la croissance est à son tour réduite aux environs de 80% de la croissance des animaux témoin (Figure 2).

Tous ces résultats correspondent à la moyenne calculée sur l'ensemble de la période d'engraissement. Si par contre on s'intéresse à l'évolution de l'effet de la restriction du temps d'accès sur la consommation réelle, on constate (figure 3) qu'il y a une adaptation au fil du temps et après 8 semaines d'engraissement les lapins arrivent; même en 8 heures à consommer autant que ceux nourris à volonté.

Cette même équipe a aussi mesuré le nombre de repas effectués par les lapins en fonction du nombre d'heures d'accès à la mangeoire chaque jour. Il apparaît que, s'ils disposent d'au moins 9 heures pour consommer leur aliment solide (figure 4), les lapins font systématiquement 30 à 35 repas par jour. S'ils ont toute la journée pour manger, ils les font à raison de 1,3 repas par heure en moyenne. Mais en cas de restriction du temps d'accès, ce nombre de repas peut s'accroître jusqu'à près de 4 repas par heure, pendant les heures "ouvrables" bien entendu. Par contre, la durée de chacun repas n'est pas significativement affectée par la duré d'accès à la mangeoire sur 24 heures : 3,2 minutes en moyenne. Au total sur la journée, des lapins nourris à volonté passent ainsi environ 1 heure 45 mn à manger, tandis que s'ils n'ont que 9 ou 10 heures pour consommer leur aliment solide, ils n'y passent plus que 1 heure 20 mn environ.
Figure 4 : Incidence de la durée d'accès à la mangeoire sur le nombre de repas fait par les lapin par heure et au total pendant le temps où ils peuvent manger

 

Utilisation du contrôle de la consommation alimentaire en engraissement

 

A la fin des années 1990, s'est opéré un changement dans la motivation des essais : Les producteurs souhaitent maîtriser la mortalité par troubles digestifs dus à l’entérocolite, par un contrôle de l’ingestion alimentaire. Les essais sont alors repris en comparant les effets du rationnement en situation sanitaire saine et en cas de contamination contrôlée par l'entérocolite.

Les résultats pour le contrôle de l'entérocolite par rationnement sont probants, mais on « découvre » les avantages annexes de la restriction alimentaire, en particulier l’amélioration de l’indice de consommation. La restriction alimentaire en engraissement tend donc à se généraliser en France.

 

Remarquons que lors des précédentes journées la recherche cunicole en 2005, les informations recueillies pendant la table ronde indiquaient que nos voisins italiens et espagnols pratiquaient peu le rationnement et luttaient contre les troubles digestif surtout par la voie médicale. Qu’en est-il aujourd'hui ?

Modalités du rationnement :
Pour répondre à cette question l'ASFC a enquêté auprès des groupements de producteurs en octobre 2007
par l'envoi d'un questionnaire. Il en ressort que la quasi totalité des groupements conseillent à leur membres d'effectuer un rationnement de l'alimentation au cours de l"engraissement. Chez ceux qui l'appliquent les modalités de rationnement se font comme suit

  • Rationnement par l’aliment : 60 à 90% des éleveurs
  • Rationnement via l’eau de boisson : 5 à 30% des éleveurs
  • Rationnement par l’aliment et l’eau : 5 à 10% des éleveurs
  • Rationnement par le temps d’accès à la mangeoire : quelques cas

En fonction des groupements, le rationnement est maintenu pendant tout l’engraissement (optimisation du contrôle sanitaire) , tandis que d’autres remettent les lapins à volonté 1 ou plus souvent 2 semaines avant l’enlèvement par l’abattoir (valorisation de la croissance compensatrice).

 

Vérification de l'efficacité du rationnement et ajustement
Pour piloter le niveau de rationnement l'une des voies les plus efficaces est l'utilisation de pesées des lapins en cours d’engraissement pour suivre leur croissance par rapport à un courbe théorique. Cela permet en effet d'ajuster le niveau du rationnement en fonction de la réponse réelle des lapins. Selon l'enquête de l'ASFC, l'utilisation par les éleveurs des pesées intermédiaires se fait comme suit :

  • Aucune pesée intermédiaire : 50 à 60% des éleveurs
  • Quelques pesées (moins d’une fois / semaine) : 30 à 40% des éleveurs
  • Pesées une fois par semaine : 5 à 10% des éleveurs
  • Pesées plusieurs fois par semaines : 0 à 5% des éleveurs

Intérêt et difficultés rencontrées dans l'utilisation du rationnement.
Dans son enquête l'ASFC a demandé d'identifier les principaux avantages liés à l'usage du rationnement pour les éleveurs. Il en ressort les 3 points saillants suivants: un rationnement bien conduit permet

  • une réduction de la mortalité de 2 à 3% le plus souvent (ex 7% contre 9 à 10% de mortalité), voire 6 ou 7%
  • une réduction des dépenses pour traitements médicamenteux de 0,15 € par IA en moyenne
  • une réduction de l’indice de consommation de 0,1 à 0,2 point environ

Le rationnement on y vient pour des raisons sanitaires, on le maintient pour des raisons économiques

Les principales difficultés rencontrée par les éleveurs sont

  • un matériel trop souvent inadapté
  • un besoin de précision sur le niveau de rationnement qu’il convient d’adopter

 

Utilisation du rationnement en engraissement hors des frontières françaises.

Lorsque la question avait été posée en séance au cours des précédentes journées de la recherche cunicole en 2005, la réponse avait été que nos voisins italiens et espagnols en particulier n'utilisaient pour ainsi dire jamais le rationnement en engraissement. La même question posée à nouveau en 2007 en cours de cette table ronde, a permis de montrer une progression rapide le l'usage du rationnement en engraissement hors de nos frontières: de l'ordre de 20 à 40% des éleveurs italiens ou espagnols rationnent leurs lapins en engraissement (proportion à vérifier), mais ce qui est certain c'est que cette proportion va en croissant.

 

Suite du compte rendu de la table ronde 2007

Le rationnement quantitatif (efficacité et modalités de suivi),
Restriction du temps d'accès à la mangeoire
,
                                     Restriction du temps d'accès à l'abreuvoir

 

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