17 mars 2022 - Journée d'étude ASFC «Nantes - Ombres & Lumières»
   

PATHOLOGIE et HYGIÈNE

par

Samuel BOUCHER* et Ghislaine LE GALL-RECULÉ**

* Labovet Conseil, 85500 Les Herbiers
** ANSES, Laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, Unité de Virologie Immunologie Parasitologie Aviaires et Cunicoles, 22440 Ploufragan
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Cette session a regroupé 34 communications (1 synthèse, 22 présentations orales, 11 posters) présentées par des équipes européennes, africaines, chinoises et sud-américaines. Les pays les plus représentés (parfois associés dans une même communication) ont été la France (7 communications), l'Espagne et l'Italie (6), la Chine (4), les Pays-Bas et la Côte-d'Ivoire (3), l'Algérie (2), puis le Portugal, la Belgique, la Pologne, la Tunisie et le Mexique (1).
La thématique dominante a été la maladie hémorragique virale du lapin (VHD ou RHD) avec 1/3 des présentations (11/34, incluant l'article de synthèse), soit deux fois plus qu'au Congès mondial de 2016 (6/32). Les autres grandes thématiques présentées ont concerné les maladies bactériennes et majoritairement la pasteurellose (10), le parasitisme avec essentiellement les coccidioses (6). Les huit études restantes ont porté sur des aspects médicamenteux (5), la génétique vis-à-vis des maladies, la rhinite (ou coryza) et la dermatophytose (la teigne).
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1. La maladie hemorragique du lapin
  Onze communications ont porté sur cette maladie due à des calicivirus du genre Lagovirus, et très majoritairement (10/11) sur le nouveau génotype de RHDV, le RHDV2, incluant l'article de synthèse présenté par Lorenzo Capucci, responsable du laboratoire de référence OIE pour la maladie hémorragique du lapin (IZSLER, Brescia, Italie). En plus de cette synthèse, l'Espagne, l'Italie et la France, les trois plus importants pays européens producteurs de viande de lapin, ont contribués à 6 des communications présentées. Les autres pays ont été les Pays-Bas, la Pologne, le Tunisie et la Chine avec une communication chacun.
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1.1. Article de synthèse sur la situation du RHDV2 dix ans après sa détection
Après une introduction sur la virologie et les relations virus/hôte, avec un focus sur les coronavirus d'actualité en soulignant notamment leur capacité à sauter la barrière d'espèce, Capucci et al. ont fait un rappel sur la découverte des deux virus " tueurs " du lapin, les virus de la myxomatose et de la VHD, qu'ils considèrent comme étant les pires virus animaux de par leurs très fortes contagiosité et mortalité. Ils ont aussi décrit les différents calicivirus non pathogènes qui infectent les lapins et les lièvres. Ils se sont ensuite attachés à faire le point des connaissances actuelles sur le RHDV2, après avoir rappelé l'historique de la découverte de ce virus qui s'est révélé, par ses caractéristiques génétiques et antigéniques, ne pas être un simple variant génétique du RHDV classique mais bien un nouveau lagovirus pathogène émergeant. C'est pourquoi le laboratoire de référence OIE a proposé la dénomination " RHDV2 ".

Les auteurs ont détaillé ensuite les trois caractéristiques phénotypiques spécifiques au RHDV2 qui expliquent pourquoi ce virus a réussi en une décennie, a diffuser dans tous les pays du monde où différentes espèces de lapins et de lièvres existent, et à remplacer la majeure partie des variants de RHDV classiques qui y circulaient (sauf à ce jour en Asie, et notamment en Chine où le variant RHDVa reste très majoritaire dans les élevages. Cependant, deux équipes chinoises viennent de publier les premiers cas d'élevages touchés par le RHDV2 en 2020) :
1) les différences génétiques au niveau du gène codant la protéine de capside entre le RHDV et le RHDV2 sont telles que les lapins immunisés suite à une infection ou à une vaccination RHDV ne sont que très partiellement protégés et développent la maladie (cette synthèse explique de façon simple pourquoi il existe une protection croisée plus ou moins partielle selon les souches virales),
2) la capacité du RHDV2 à infecter les très jeunes lapereaux jusqu'alors plus ou moins résistants à une infection par les RHDV classiques (jusqu'à 7-8 semaines d'âge) en augmentant fortement la charge virale dans l'environnement. Les auteurs font d'ailleurs un aparté sur l'importance des anticorps d'origine maternelle (AOM) pour protéger les lapereaux et conseillent aux éleveurs de garder un niveau d'anticorps le plus élevé possible chez les mères afin de maintenir la présence d'AOM sur plusieurs semaines,
3) à la différence du RHDV qui n'infecte que les lapins européens (Oryctolagus cuniculus) et de l'EBHSV qui n'infecte que les lièvres européens (Lepus europaeus) et variables (L. timidus) et très épisodiquement les lapins à queue blanche (Sylvilagus floridanus), le RHDV2 infecte aussi de nombreuses espèces de lièvres d'Europe, d'Afrique et d'Amérique du Nord, et de Sylvilagus. Ainsi, en Amérique du nord qui ne connaissait jusqu'en 2018 que de très rares cas de VHD chez des lapins domestiques suite à des introductions de RHDV (l'espèce Oryctolagus cuniculus n'existe pas dans la faune sauvage américaine), le RHDV2 est devenu endémique.

A ce jour, l'origine des trois lagovirus pathogènes (EBHSV, RHDV et RHDV2), apparus conjointement entre les années 80 et 2010 et responsables de maladies similaires en termes de signes cliniques, de lésions et de pathogénicité, n'est pas connue. L'hypothèse la plus probable serait celle de l'apparition des formes pathogènes suite à des mutations génétiques ponctuelles de lagovirus non pathogènes et ayant entrainé un changement de tropisme tissulaire. En effet, alors que le foie est l'organe cible majeur des lagovirus pathogènes, les lagovirus non pathogènes sont des virus entériques qui se répliquent principalement au niveau du duodénum sans passer la barrière mucosale. En ce qui concerne le RHDV2, les analyses d'horloge moléculaires ont montré qu'il serait apparu 3-4 ans avant sa détection en 2010 et donc probablement sous une forme peu pathogène. D'ailleurs, les premières descriptions en élevage et expérimentales en France et en Italie faisaient état de taux de mortalités d'environ 20% (avec une variabilité entre 0 et 50%). En quelques années, ces taux ont augmenté pour atteindre 80-90%, suggérant que les souches plus pathogènes aient été positivement sélectionnées.

Les différentes méthodes de diagnostic virologiques et sérologiques usuelles sont mentionnées, dont les ELISA développés par le laboratoire de référence OIE qui permettent de distinguer une infection par le RHDV d'une infection par le RHDV2, ou la nature des anticorps (IgG, IgM ou IgA). Ces derniers tests sont largement utilisés pour des études épidémiologiques dans les populations sauvages et pour déterminer l'efficacité vaccinale ou l'extinction d'un foyer en élevage.

Au niveau de la prévention et du contrôle de la VHD due au RHDV2, il est mentionné que dans certains pays comme l'Italie, l'absence de produits enregistrés peut être contournée par la possibilité de produire des auto-vaccins à n'utiliser que dans un seul élevage après un foyer. Les vaccins Filavac® VHD K C+V (Filavie, France) et ERAVAC® (Hipra, Espagne) sont décrits ainsi que le récent vaccin trivalent Nobivac® Myxo RHD Plus (MSD, USA). En ce qui concerne les mesures de prophylaxie indirecte, étant donné que la vaccination n'est indiquée qu'à 30 jours d'âge et que la protection est complète après 7 jours post-vaccination, les lapereaux de moins de 5 semaines d'âge ne sont pas protégés, d'où l'importance de la présence d'anticorps d'oringine maternelle (AOM). La durée de la présence de ces AOM est directement proportionnelle au titre des anticorps chez la mère et peut être entre 2 et 6-7 semaines. Cependant ces AOM, en fonction de leur quantité, peuvent réduire voire empêcher la prise vaccinale. Afin de réduire cela, les auteurs conseillent de vacciner les lapins plutôt à partir de 45-50 jours d'âge. Alternativement et en fonction du type de vaccin utilisé chez les mères, un suivi sérologique dans l'élevage peut aider à estimer le niveau d'anticorps des mères et des jeunes afin de décider du meilleur moment de vacciner (à savoir, quand les lapereaux sont devenus séro-négatifs). Quand les mesures de biosécurité sont bonnes et qu'il n'y a pas de cas de VHD autour de l'élevage, les lapins en croissance ne sont pas forcément vaccinés. Puisque l'immunité est acquise 7 à 10 jours après vaccination, la vaccination d'urgence peut être considérée comme un traitement efficace lors de la survenue d'un foyer. Après un foyer dû au RHDV2 et même si des mesures sanitaires et d'hygiène strictes sont adoptées, incluant le nettoyage et la désinfection ainsi qu'un vide sanitaire, les auteurs recommandent fortement de vacciner les lapereaux à 30-45 jours d'âge en raison du risque très importante de réinfection. Il est possible d'arrêter cette vaccination mais seulement après au moins 3 cycles de production sans problème. La présence de lapins sentinelles non vaccinés et régulièrement contrôlés en sérologie aide à vérifier l'absence de virus infectieux dans l'élevage.

En conclusion, les auteurs rappellent que le Lapin est une espèce animale capitale car ce n'est non seulement un animal sauvage dans son habitat naturel ou invasif comme en Australie (le lapin de garenne y a été introduit il y a 163 ans), mais c'est aussi un animal de compagnie et de laboratoire, ainsi qu'une espèce d'intérêt zootechnique et une importante source de protéines animales dans les pays en voie de développement. Par ailleurs, l'émergence de trois virus pathogènes distincts en quelques décennies ne peut être considérée comme des évènements aléatoires uniques. Ces émergences ne sont peut-être pas terminées et il est nécessaire de maintenir un niveau élevé de surveillance des lapins et des lièvres grâce à une collaboration étroite entre les instituts de recherche, les organisations professionnelles et les institutions internationales comme l'OIE.
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  1.2. Etudes descriptives de foyers de RHDV2 et caractérisation génétique
  Quatre communications ont porté sur la description clinique et/ou épidémiologique des foyers de RHDV2 dans les élevages de deux pays européens, en Tunisie et en Chine.

Arts et al. (Pays Bas) décrivent la détection et la propagation du RHDV2 dans les élevages des Pays-Bas et du sud de l'Allemagne entre 2014 et 2018. Les Pays-Bas comptaient en 2019, 35 élevages de lapins de chair (45.000 mères) et l'Allemagne, 18 élevages (15.000 mères). En 2018, presque tous les élevages néerlandais ont été atteints (34/35) malgré la vaccination des mères (a priori avec des vaccins RHDV classiques). Les auteurs rapportent les observations réalisées et les expériences vaccinales menées pendant ces cinq années (vaccins RHDV et/ou RHDV2). Cependant aux Pays-Bas, seuls les vétérinaires sont autorisés à vacciner, ce qui retarde le contrôle de la maladie en élevage. A noter que les éleveurs sont informés de la localisation de nouveaux foyers de RHDV2 grâce aux notifications accessibles sur les pages web du FLI et de l'Université d'Utrecht, et envoyées sur leur téléphone mobile grâce à une application (App). En décrivant les mesures de biosécurité renforcées à suivre, les auteurs soulignent l'importance de la prophylaxie sanitaire et vaccinale pour stopper l'infection dans un élevage contaminé et prévenir la venue de nouveaux foyers.
Cet article, difficile à lire de par la syntaxe anglaise et la structure de l'article, décrit ce que les auteurs ont observé dans les élevages néerlandais et allemands, en rappelant des données connues comme les modes de transmission des virus de la VHD, la faible efficacité des vaccins RHDV vis-à-vis du RHDV2 et les mesures de biosécurité à suivre. Certaines affirmations non étayées par la bibliographie sont sujettes à caution.
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  En Italie, Cavadini et al. ont réalisé une analyse phylogénique à partir de la séquence génomique partielle de 87 RHDV2 identifiés entre 2011 (année de 1ère détection du RHDV2 en Italie) et 2018, afin de comprendre l'évolution du virus dans ce pays. Il s'avère que ces virus appartiennent au même cluster que celui des autres RHDV2 européens et se répartissent plus en fonction de leur année d'identification que de leur origine géographique. Toutefois, certaines souches d'Italie continentale (2013-2014) et de Sardaigne (2016) sont proches des premiers RHDV2 français et italiens (2010-2011) (souches qui circulent toujours en France). Dix RHDV2 sont des virus recombinants, neuf (2014-2018) avec un RHDV qui circulait uniquement en Péninsule Ibérique (RHDV-G1) avant de céder sa place au RHDV2, et le dixième (2016) avec un lagovirus non-pathogène (RCV-E2), génotype circulant en Italie (ainsi qu'en France et en Péninsule Ibérique). Les RHDV2 recombinants avec un RHDV-G1 sont probablement d'origine ibérique et ont été introduits ultérieurement en Italie. Par contre, il est possible que le recombinant RCV-E2/RHDV2 soit d'origine italienne. Les analyses phylogéographiques révèlent que de multiples introductions de RHDV2 d'origine française et/ou ibérique ont eu lieu entre 2011 et 2016. (Les RHDV2 recombinants RHDV-G1 ont initialement émergé en Péninsule Ibérique où ils sont désormais dominants et depuis 2013, ils sont parfois détectés en France. Les études des différentes équipes travaillant sur les lagovirus ont montré que les phénomènes de recombinaisons étaient fréquents et que plusieurs autres types de RHDV2 recombinants circulaient dans les populations de lapins et de lièvres. Ces souches ne semblent pas être plus virulentes mais deviennent dominantes dans certains pays soulignant un avantage sélectif peut-être lié à une meilleure multiplication virale).
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Ben Chehida et al. (Tunisie) ont mené entre octobre 2018 et février 2019 une enquête rétrospective dans 60 élevages commerciaux tunisiens (étude exhaustive) et 166 élevages traditionnels (étude par extrapolation des résultats obtenus dans 10% des élevages) dans le but de caractériser ces deux types d'élevage et d'estimer la prévalence du RHDV2 depuis sa détection en 2015. L'industrialisation de l'élevage cunicole en Tunisie s'est développée depuis ces vingt dernières années principalement le long de la côte nord-est du pays. Le nombre d'élevages commerciaux est cependant passé de 260 en 2015 à 60 probablement suite à l'augmentation du coût des matières premières, la diminution de la consommation de viande de lapin et l'augmentation des élevages touchés par la VHD. Un total de 26% des élevages traditionnels, dispersés sur tout le territoire, pratiquent encore l'élevage au sol. Dans les élevages commerciaux, l'insémination artificielle est majoritaire (61%), le sperme provenant dans 53 % des cas des mâles reproducteurs de l'élevage. Il y existe une grande variabilité dans les mesures de biosécurité, de nettoyage et de désinfection, et de l'utilisation de la vaccination : très peu d'éleveurs ont conscience de leurs importances. Seuls 27% (16/60) des éleveurs ont suspecté avoir eu la VHD avec des taux de mortalité > 75 %, et 13/16 avaient vaccinés principalement les mères. Pour 4 de ces élevages, le RHDV2 a été confirmé. Quand il a été recherché, aucun RHDV classique n'a été détecté.
NB : F. Ben Chehida et S Sghaier ont publié avec d'autres co-auteurs une analyse phylogénique obtenue avec les séquences génomiques complètes de six RHDV2 tunisiens récoltés dans des élevages commerciaux entre 2018 et 2020, montrant leur origine européenne puis leur évolution génétique en Tunisie (Ben Chehida et al., Biology, 2021, 10, 883).
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  Hu et al. 5Chine) rapportent quant à eux la 1ère détection du RHDV2 en Chine en 2020 dans un élevage de la province du Sichuan où 70% des lapins sont morts (1.300 lapins) malgré leur vaccination avec un vaccin commercial inactivé (WF/China/2007) contre le GI.1 (RHDV). La plupart des jeunes lapins non sevrés sont morts. Jusqu'à présent, deux variants de RHDV circulaient en Chine : GI.1a et GI.1c (cet article utilise la nouvelle nomenclature récemment proposée pour les lagovirus et où les RHDV " classiques " correspondent au génotype GI.1 qui comprend plusieurs variants dont les GI.1a = RHDVa et les GI.1c = RHDV-G2, vis-à-vis desquels les vaccins RHDV protègent). L'obtention de la séquence génomique complète de la souche SC2020/04 montre qu'il s'agit d'un RHDV2 (GI.2) non recombinant proche d'une souche RHDV2 néerlandaise de 2016. L'étude expérimentale réalisée sur 10 lapins vaccinés à 8 semaines d'âge puis éprouvés 2 semaines plus tard, a confirmé la mauvaise protection vaccinale (40% de mortalité). Les auteurs préconisent de surveiller la circulation du RHDV2 et d'utiliser des vaccins bivalents RHDV-RHDV2 pour contrôler la VHD en Chine.
NB : une partie des travaux présentés a été publié par ces auteurs en dehors du Congrès (Hu et al., Vet Med Sci., 2021,7:236-239).

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  1.3. Etudes sur l'immunité humorale des lapereaux vis-à-vis du RHDV2 transmise par les mères vaccinées et sur la protection vaccinale
  La protection apportée par les anticorps d'origine maternelle (AOM) des très jeunes lapereaux contre la VHD est devenue importante à étudier suite à la capacité du RHDV2 d'infecter les lapins âgés de mois de 6 semaines peu sensibles aux RHDV classiques.
Deux études, l'une italo-espagnole et l'autre franco-italienne, ont cherché à caractériser l'immunité humorale passive transmise par les mères vaccinées à leurs lapereaux.

Baratelli et al.(Espagne et Italie), en réalisant une étude sur deux groupes de 40 mères de 8 à 9 mois d'âge, l'un vacciné avec le vaccin commercial inactivé ERAVAC®, l'autre inoculé avec une solution saline, a montré que les taux d'anticorps anti-RHDV2 persistaient jusqu'à 351 jours après leur vaccination (il n'a pas été testé de délai post-vaccinal plus long) et que des AOM étaient transmis aux lapereaux jusqu'à 349 jours (6 cycles de reproduction) après la vaccination de leur mère. L'immunité humorale des lapereaux dure au moins jusqu'à l'âge de 28 jours, un tiers des lapereaux de 40 jours (6 semaines) sont négatifs puis tous à l'âge de 58 jours (8 semaines). La revaccination de 10 lapines 6 mois après, n'a pas augmenté significativement leurs taux d'anticorps ni celui de leurs lapereaux. Ces auteurs ont par ailleurs montré que les AOM était majoritairement transmis pendant la gestation et probablement par des mécanismes transplacentaires. Il reste cependant à évaluer le niveau de protection induite par ces AOM.
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La seconde étude réalisée par Vastel et al. (France et Italie), a ciblé plus spécifiquement les facteurs pouvant influencer l'efficacité de la vaccination des lapereaux peu après le sevrage, celle-ci pouvant être inhibée par la présence d'AOM comme dans d'autres espèces. Le suivi sérologique de 30 lapines primipares d'un élevage sans VHD, vaccinées ERAVAC® à 10 semaines d'âge a montré que 10% d'entre elles n'avaient plus d'anticorps anti-RHDV2 quatre mois plus tard (ce qui est en contradiction avec l'étude précédente). Après le rappel de vaccination de 24/30 lapines à 17 semaines d'âge, celles-ci montraient toutes des titres en anticorps positifs 5 et 11 jours après, mais dans une gamme très large montrant qu'il existait une grande variation individuelle dans la réponse immunitaire humorale. Concernant le suivi sérologique des lapereaux issus des 30 lapines vaccinées (2 lapereaux par lapine), les résultats ont montré 1) 1/3 des lapereaux n'avaient plus d'AOM dès le sevrage, 2) que les lapereaux avec le plus fort taux d'AOM au sevrage provenaient des mères ayant des titres en anticorps les plus élevés. Par contre, ces lapereaux n'avaient pas d'anticorps 14 jours après leur vaccination à 45 jours d'âge, à la différence des lapereaux possédant peu ou pas d'AOM. Cette étude souligne l'apport du suivi sérologique pour améliorer les pratiques vaccinales et peut en partie expliquer l'apparition de mortalités dues au RHDV2 chez les lapines primipares. Elle suggère aussi que la vaccination des lapines, en fonction du niveau d'AOM transmis, peut inhiber le développement rapide de l'immunité humorale propre des lapereaux vaccinés. Des études supplémentaires sont nécessaires pour estimer l'intérêt d'une hyper-immunisation des lapines reproductrices, au niveau de son impact sur le développement de l'immunité des lapereaux, d'une meilleure transmission des AOM et de la protection conférée. En fonction du coût/bénéfice, cette pratique pourrait être intéressante pour les éleveurs.

Les résultats des deux études présentent des contradictions en termes de pourcentage de femelles primipares primo-vaccinées positives en anticorps anti-RHDV2 pouvant s'expliquer par les conditions expérimentales différentes.
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  Deux autres communications ont concerné l'évaluation de l'efficacité à une épreuve virulente RHDV2, de la vaccination avec le vaccin ERAVAC® réalisée chez les lapereaux d'un mois 1) pour empêcher la diffusion du RHDV2 en élevage et 2) en présence d'AOM ou non.

La première étude réalisée par Sanchez-Matamoros et al. (Espagne) donne les résultats obtenus lors d'une expérimentation réalisée sur 38 lapereaux conventionnels sains et sans anticorps contre le RHDV2 âgés d'un mois, 19 vaccinés avec ERAVAC® et 19 inoculés avec une solution saline, puis tous éprouvés six mois après avec un RHDV2 hétérologue par voie intramusculaire. La vaccination a offert une protection complète contre la mortalité (47% de mortalité dans le lot éprouvé non vacciné (valeur correspondant aux premiers RHDV2 moins virulents) et a empêché l'excrétion du virus dans les fèces au cours des 7 jours de suivi de la charge virale, montrant l'intérêt de la vaccination pour contrôler la propagation virale.
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  La seconde étude réalisée par Montbrau et al. (Espagne) a consisté à vacciner deux groupes de 20 lapins conventionnels âgés de 28 jours, l'un sans AOM et l'autre avec AOM dont les titres sont représentatifs de ceux trouvés dans des conditions de terrain. Un troisième groupe de 20 lapins avec AOM n'a pas été vacciné mais quand leurs taux d'AOM sont devenus négatifs 14 jours plus tard, les 60 lapins ont été éprouvés avec un RHDV2 hétérologue par voie intramusculaire. La vaccination a permis de protéger tous les lapins (47% de mortalité dans le lot éprouvé non vacciné (valeur correspondant aux premiers RHDV2 moins virulents) suggérant que la présence d'AOM n'interfère pas avec l'efficacité du vaccin.
Ce dernier résultat est en contradiction avec celui présenté par Vastel et al., mais il semble cependant que le jour de la vaccination, le taux d'anticorps des lapereaux était faible, voire négatif " 13/40 lapins positifs et 27/40 douteux en ELISA " (sans préciser les valeurs de DO).
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  1.4 Immunité innée
  Les peptides antimicrobiens sont impliqués dans la réponse immunitaire innée contre différents microorganismes et constituent des substituts prometteurs aux antibiotiques. Parmi ces peptides, les défensines jouent un rôle central contre les infections. Plusieurs catégories de défensines existent chez les lapins mais peu d'études ont porté sur les infections virales. Le foie étant le principal organe cible de multiplication des virus de la VHD, estimer la présence et le niveau d'alpha-défensine NP-4 présent dans cet organe peut refléter le statut de l'hôte. Wolacewicz et al, une équipe polonaise, ont cherché à vérifier pour la première fois la présence de ce type de défensine dans des foies de lapins infectés expérimentalement avec quatre RHDV classiques différents, en développant une PCR temps réel spécifique. La présence de défensine a été confirmée dans les quatre échantillons et d'autres études seront nécessaires.
Il est regrettable que dans cette étude, aucun échantillon de lapin sain n'ait été analysé permettant de savoir si ces résultats sont significatifs.
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  1.5 Enquête épidémiologique sur l'efficacité des méthodes de nettoyage et de désinfection dans quatre élevages français
  Certains élevage cunicoles français connaissent plusieurs foyers de RHDV2 successifs, ce qui pose la question de l'efficacité des mesures de nettoyage et de désinfection (N&D) mises en place après la survenue du foyer. L'étude réalisée par Huneau-Salaün et al. (France) a évalué l'efficacité des protocoles de N&D réalisés dans quatre élevages infectés en 2019, en contrôlant la persistance du RHDV2 dans des prélèvements de surface avant et juste après le N&D, puis 3 mois plus tard. A chaque visite, les salles d'élevage (sol, murs, cages, circuit d'air, racleur, sas d'entrée) et leurs environs (bac d'équarrissage, abords, route) ont été échantillonnées avec des chiffonnettes. Un questionnaire sur les pratiques de N&D a été complété. Le génome du RHDV2 a été recherché dans chaque prélèvement par RT-PCR. Près de la moitié des échantillons étaient positifs avant le N&D et les surfaces les plus fréquemment contaminées étaient le sol de la salle d'élevage (3/4), les abords (4/6) et le bac d'équarrissage (3/4) en plus du matériel en contact direct avec les lapins. Après N&D, 19% des échantillons étaient encore positifs dont 3/4 bacs d'équarrissage qui se sont avérés ne pas avoir été traités. Trois mois plus tard, 2/4 bacs d'équarrissage étaient encore positifs en plus de la route. Le poster présenté lors du congrès a aussi montré les résultats obtenus lors de la dernière visite réalisée 6 mois après le foyer : bien qu'aucun nouveau foyer de RHDV2 n'ait été observé, du génome a été détecté dans les bâtiments des quatre élevages et leurs environs. Tous ces résultats montrent l'importance d'établir un protocole de N&D complet, incluant le bac d'équarrissage et les abords des bâtiments.
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2. Les maladies parasitaires, bacteriennes, les traitements et les maladies genetiques
  Ce qui préoccupe le plus la filière de production de lapins de chair à ce jour est bien la VHD. Mais les le Congrès mondial de la recherche cunicole ont été l'occasion de mettre en avant d'autres maladies parasitaires, bactériennes idiopathiques ou génétiques et de parler de traitements ou d'évoquer la relation entre la conduite d'élevage et le développement de maladies.

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2.1. Les parasites
  Retour au sol = retour des endoparasites :
  Avec le retour au sol des lapins [au nom d'un soi-disant bien être des animaux], on observe que le parasitisme gastro-intestinal est exacerbé. Si l'élevage sur grillage a été inventé dans les années 70 pour réduire ce parasitisme, il est tout à fait normal de constater que son abandon permet une meilleure multiplication des parasites. Ainsi, plusieurs études, en France, aux Pays bas et en Côte d'Ivoire font état chacune d'un recensement des parasites trouvés sur des lapins vivant au sol. On constate que des coccidies, mais aussi des nématodes, qui avaient disparu des élevages en cages grillagées réapparaissent de manière très significative faisant baisser les performances zootechniques.
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  Ainsi, aux Pays-bas, M. Vereeckena a montré que l'utilisation de logements en parcs au sol a permis de voir la mortalité passer de 6 à 14%. Parmi les causes de cette mortalité figurent les coccidioses. Des traitements par voie alimentaire à base de robénidine à 66 ppm ou de salinomycine à 20 ppm (malheureusement pas disponible par cette voie en France à ce jour) ont été proposés aux lapins. Sur la base de la mortalité, des signes cliniques et de l'excrétion d'oocystes, il a été montré que la coccidiose était mal contrôlée par la robénidine et beaucoup mieux par la salinomycine pour laquelle l'excrétion des ookystes est significativement plus faible. Les auteurs concluent (avec raison) qu'il serait urgent de pouvoir disposer d'un plus grand nombre de médicaments coccidiostatiques pour contrôler la coccidiose dans les élevages au sol.
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Coccidiose hépatique
D'autre part, Legendre et al (France) ont étudié le parasitisme gastro intestinal de lapins élevés en conduite bio sur pâturage, au cours de 3 années sur du sainfoin ou sur de la prairie. Si les lapins n'ont pas présenté de diarrhée ni de lésion intestinale, Trichostrongylus sp a été trouvé sur 93% d'entre eux et Eimeria stiedae, agent de la coccidiose hépatique, a été retrouvé sur 64% des sujets en 2016. Les GMQ des animaux parasités se sont dégradés. Alors que le parasite a disparu des élevages conventionnels, Eimeria flavescens, considéré comme une des coccidies les plus pathogènes, a également été trouvée et l'auteur a noté un GMQ négatif à corréler avec sa présence. Les auteurs montrent que le type de pâturage n'a eu aucun effet significatif sur l'excrétion d'œufs, la prévalence et l'intensité des nématodes, ou sur l'excrétion d'oocystes. Le temps de rotation court des pâtures a en revanche été significatif sur le parasitisme. Ils conseillent donc de faire des rotations de plus de deux mois, contrairement à ce qui est préconisé dans le cahier des charges actuel de l'Agriculture Biologique.
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  Enfin, Dakouri et al. 'Côte d'Ivoire) expliquent que les traitements dans leur pays sont faits sans identifier les parasites. Ils ont mis en évidence, sur leur échantillon, le très fort parasitisme des lapins élevés en Côte d'Ivoire. Ont été trouvés un cestode et deux trématodes qui auraient donc nécessité d'expliquer le milieu de vie du lapin afin de comprendre la possibilité qu'a le parasite d'établir son cycle. Huit nématodes (dont Graphidium strigosum et Trichostrongylus retortaeformis) et 11 espèces de coccidies (toutes celles qui sont connues en Europe donc) ont été observées. Les ectoparasites sont également nombreux : Sarcoptes scabiei, Psoroptes cuniculi, Notoedres cuniculi pour les acariens, Spillopsyllus cuniculi, Cuterebra cuniculi pour les insectes et Trichophyton mentagrophytes pour les champignons. Les jeunes lapins étaient plus contaminés par les endoparasites que les adultes qui, eux, hébergeaient plus d'ectoparasites.

Ces trois publications mettent en évidence un retour certain des parasites, disparus des élevages hors sol actuellement dès lors qu'on a un retour au sol et on pourrait même préciser y compris sur caillebotis.
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  Coccidies et coccidiose

Ficus exasperata


Une table ronde a été organisée sur le thème de la gestion des coccidioses en élevage avec des traitements coccidiostatiques ou des traitements alternatifs. Les animateurs ont tout d'abord rappelé les bases d'un diagnostic qui doit faire intervenir la numération et l'identification associées aux lésions pour pouvoir conclure à une coccidiose en cas de mortalité et/ou diarrhée. Les traitements classiques à base de robénidine, salinomycine, diclazuril décoquinate passant par voie alimentaire ont été évoqués et leur disponibilité actuelle en Europe a été citée et complétée par des aspects réglementaires différents d'un pays à l'autre. Les traitements oraux via l'eau de boisson à base de sulfamides, de toltrazuril ont également été évoqués et il a été discuté la présence sur le marché de médicaments phytothérapeutiques qui donnent parfois d'excellents résultats. Tout le monde s'accorde à dire que la période périsevrage est la période à risque où il faut employer les anticoccidiens quand cela est nécessaire.

Parmi les communications, une étude menée par Dakouri et al. (Côte d'Ivoire) a montré que la coccidiose est présente dans 100% des 146 élevages du district d'Abidjan considérés par l'enquête. Les saisons des pluies et le mois de juillet ont favorisé l'infestation par les coccidies. Les auteurs ont pu rencontrer E. media, moyennement pathogène, dans tous les élevages mais ils ont aussi - curieusement - pu mettre en évidence l'intégralité des coccidies connues chez le lapin avec des prévalences allant de 9 à 90% et des associations de parasites pouvant comprendre parfois 3 espèces sur un même lieu. Les jeunes lapereaux étaient les plus contaminés alors que les lapins de plus de 5 mois, ayant déjà une certaine immunité, présentaient des infestations bénignes.

Plusieurs études ont cherché à mettre en évidence des traitements alternatifs. Trouver un remède alternatif aux anticoccidiens synthétiques est en effet une préoccupation actuelle. Parmi eux, Peptasan, un mélange de plantes médicinales, de Saccharum officinarum et d'Acacia concinna, est jugé par les auteurs (Atkinson et al -France Mexique) être une une solution intéressante pour contribuer à la maîtrise du développement des Eimeria en élevage cunicole en utilisant uniquement des produits naturels. Le produit semble réduire l'excrétion ookystale significativement. Il contribue à réduire la mortalité, en particulier au moment du sevrage. Une autre étude (Dakouri et al., Côte d'Ivoire) s'est intéressée à l'utilisation de feuilles tropicales (feuilles fraîches de Ficus exasperata, Azadirachta indica et Mangifera indica) testée comparativement à un traitement à base de sulfadiméthoxine sur des lapins artificiellement infestés à 35 jours. Sur la base d'une diminution de l'excrétion ookystale, les auteurs concluent que les feuilles de Ficus exasperata pourraient être utilisées comme alternative au traitement synthétique. Ils expliquent sagement que le faible nombre de lapins utilisés - et on peut ajouter que la solidité du protocole établi (absence d'identification, absence de numération, absence d'observation lésionnelle) - nécessiteraient d'approfondir l'étude qui visait à trier les espèces taxonomiques dans un premier temps..
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  Teignes
  Une rare et originale enquête épidémiologique concernant la présence de teigne à Trichophyton mentagrophytes a été réalisée sur des lapins de garenne captifs sans signe clinique dans le nord du Portugal. (Patinha et al.).Le champignon a été trouvé sur 7% des lapins à l'exclusion de tout autre dermatophyte. Le portage sain est mis en évidence et peut apporter une contribution utile au diagnostic et à la prévention de la dermatophytose du lapin sauvage.
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  2.2. Les bactéries
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  Parmi les maladies bactériennes, peu de publications sur les colibacilloses durant cette session mais les maladies de l'appareil respiratoire et de la peau restent une préoccupation majeure.

Cas de Rhinite
Pasteurellose et bordetellose
Dans une étude transversale, Rosell et al. (Espagne) ont montré que la prévalence de la rhinite clinique (RC) des lapines reproductrices en Espagne et au Portugal, de janvier 2001 à décembre 2018 a été de 18,03 %. Ils ont montré, ce qui n'est pas évident pour des élevages en claustration, que la saison est un facteur de risque facilitant la rhinite. Les lapines soufrent de rhinite plus souvent pendant l'été.
Parmi les lésions typiques de la pasteurellose (rhinite, conjonctivite, pneumonie, abcès cutanés) présentes sur les lapins étudiés, figurait aussi une infection des bulles tympaniques dans lesquelles on a pu isoler P. multocida à 76%. Les lapins atteints de pasteurellose pulmonaire sont le plus souvent traités avec des antibiotiques. Malheureusement, peu d'études pharmacocinétiques ont démontré la capacité de ces médicaments à atteindre l'oreille moyenne faiblement vascularisée à des concentrations efficaces. Cette zone anatomique, difficile à atteindre avec des antibiotiques usuels pourrait se révéler être un foyer de présence de P. multocida chez les lapins d'élevage. Favoriser les traitements avec des molécules pouvant se fixer facilement sur les os comme les tétracyclines serait donc une bonne solution lorsqu'il s'agit de traiter une pneumonie chez un lapin.
  Beaucoup d'auteurs présents lors des WRC 2021 ont insisté sur le fait de travailler sur des souches de lapins plus résistantes à la pasteurellose. C'est ce qu'ont fait les équipes toulousaines de l'INRAE au travers du projet RELAPA auquel ont été associés des structures privées. Ce projet vise à étudier le déterminisme génétique de la résistance à la pasteurellose. Après avoir inoculé une souche pyogène de P. multocida à des lapins, les chercheurs ont noté leur résistance à la pasteurellose. Ils ont tout d'abord montré que les lapins les plus sensibles ne semblent pas capables de mettre en place une réponse immunitaire efficace pour contrôler l'infection.
  Les mâles reproducteurs choisis pour leur résistance à la maladie ont des jeunes dont les poids au sevrage ou à la vente sont bons mais la prolificité de leurs filles est moindre. La prévalence des maladies digestives et des maladies infectieuses pendant l'engraissement était significativement plus faible chez les lapins issus de mâles résistants que chez les lapins sensibles. Ce résultat suggère que la résistance à la pasteurellose évaluée par une infection expérimentale utilisant une seule souche de Pasteurella multocida est favorablement corrélée à la résistance à d'autres maladies infectieuses. Mais compte tenu de la plus faible prolificité des lapines issues de pères résistants, il peut y avoir un compromis à trouver en sélection entre la résistance à la pasteurellose et les performances de reproduction des lapines.
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L'enrofloxacine - actuellement classée en France parmi les antibiotiques critiques - est l'une des molécules utilisées avec AMM contre la pasteurellose du lapin en Europe. L'équipe de Circella en Italie s'est intéressée à la sensibilité à l'enrofloxacine de 10 souches de P. multocida isolées de lapins atteints de pasteurellose. Ils montrent que les doses actuelles de traitement sont assez fortes pour améliorer les signes cliniques en élevage mais assez faibles pour faciliter la sélection de souches plus résistantes à l'enrofloxacine. L'utilisation de doses plus fortes serait contraire aux bonnes pratiques d'utilisation du médicament et pourraient entrainer une certaine toxicité. C'est pourquoi les auteurs invitent à se pencher sur la sélection de lapins plus résistants à la maladie.

Afin d'étudier la bordetellose chez le lapin, des chercheurs chinois ont mis au point un modèle expérimental de reproduction de la maladie. Par voie intraveineuse, ils ont inoculé une souche dite FX-1 de Bordetella bronchiseptica. La ½ dose létale de la souche FX-1 pour le lapin (DL50) a été fixée à 6,61 × 109 UFC. Le modèle a été utilisé pour tester l'effet immunitaire du vaccin inactivé. Le taux de survie des lapins vaccinés était, 2 semaines après la vaccination, de 77% pour les lapins vaccinés contre 16% pour les non vaccinés.
La vaccination est considérée comme un moyen efficace de prévenir et de contrôler la bordetellose à Bordetella bronchiseptica. Une équipe chinoise s'est intéressée à l'immunisation avec un vaccin inactivé comprenant des bactéries entières. Ils ont montré qu'une dose unique de 1,6 1010 CFU par voie sous-cutanée entraînait des taux élevés d'IgG spécifiques et protégeait le lapin pendant 21 à 120 jours après la vaccination avec un taux de protection de plus de 87 %.
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Staphylococcie

  Selon les auteurs espagnols, la sélection pourrait aggraver la façon dont les animaux sélectionnés répondent aux défis infectieux. Ce thème est partagé par les équipes françaises de l'INRAE. Pour tester cette hypothèse, Moreno-Grúa et al. (Espagne) ont inoculé des staphylocoques de virulence variable (haute et moyenne) par voie intradermique à de jeunes lapins sélectionnés selon leur GMQ et les ont observés durant leur période de croissance. La gravité des lésions a été évaluée par la présence et la superficie de l'érythème et des nodules pendant 7 jours. La différence observée dans cette expérience menée avec des staphylocoques ne semble pas aller en faveur de l'une ou l'autre des lignées sélectionnées pour la croissance. On peut toutefois se questionner sur la pertinence des critères retenus pour l'observation (étendue des lésions) et le choix du pathogène. La même expérience menée avec des bactéries pathogènes du tube digestif verrait sans doute des conclusions sensiblement différentes.
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  Lawsonia
 
Arts et al. (Pays-Bas) ont montré la présence de Lawsonia intracellularis, agent entrant dans le complexe entérique porcin, dans le tube digestif de lapins atteints d'EEL. Alors qu'ils n'ont effectué aucune reproduction expérimentale d'une éventuelle maladie pour montrer les postulats de Koch, les auteurs concluent très (trop ? ) hâtivement que Lawsonia serait l'un des agents pathogènes causant l'EEL chez les lapins de chair. Ce travail ne permet pas d'établir avec certitude le lien de causalité entre la bactérie et l'EEL ni même de savoir si Lawsonia n'est pas simplement une bactérie opportuniste chez le lapin.
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Cas dysautonomie
EEL et Parésie caecale
La dysautonomie est un trouble gastro-intestinal grave et mortel chez le lapin, le lièvre, le chat ou le cheval. Elle est caractérisée par une impaction caecale, une anorexie et une dépression. Boucher, Nouaille, Plassiart et Georges ont démontré en 2013, qu'en cas d'EEL, chez le lapin, on notait des lésions de dégénérescence du système nerveux autonome du tube digestif. Les lapins atteints de dysautonomie présentent une grave paralysie intestinale du gros intestin qui pourrait être associée à la présence de Clostridium botulinum dans l'intestin, comme cela a déjà été démontré chez le chat. Une équipe italienne a souhaité évaluer la présence de Clostridia productrices de BoNT chez le lapin souffrant de troubles gastro-intestinaux (EEL ou parésie). Ils n'ont pas pu la mettre en évidence. Ils ont également voulu évaluer les dommages neurologiques survenus dans l'intestin par des techniques IHC ciblées sur un marqueur neurodégénératif (synaptophysine). Des lésions dégénératives du système nerveux autonome ont été détectées chez 39,4 % des sujets analysés. Les auteurs concluent que la constipation pourrait être due à une lésion neurologique du plexus myentérique.
  2.3. Les traitements
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  Eau de boisson
 

Dans les élevages, l'eau potable est fréquemment traitée avec un désinfectant pour améliorer sa qualité bactériologique. Cette eau peut également être utilisée pour administrer des traitements collectifs aux animaux. Cependant, la vérification de la compatibilité entre les biocides et les médicaments n'est pas requise dans les dossiers d'AMM. Une étude française (Guichard et al.) été menée pour évaluer l'impact des biocides sur la stabilité des antibiotiques. Dix médicaments vétérinaires contenant de la doxycycline, de l'amoxicilline (toxique chez le lapin), du sulfonamide triméthoprime, de la tiamuline et de la colistine ont été testés avec deux biocides (eau oxygénée - H2O2 à 50 ppm et hypochlorite de sodium à 0,5 ppm de chlore actif) dans deux eaux standardisées, l'une douce (6 ° f, pH = 6) et l'autre dure (35° f, pH = 8). Ensuite, les spécialités contenant de l'amoxicilline, de la tiamuline et de la doxycycline ont été diluées avec de l'eau oxygénée dans de l'eau provenant d'un puits riche en fer et en manganèse. La stabilité a été déterminée après 6h, 24h et 30heures. Le peroxyde d'hydrogène (H2O2) a eu un impact négatif seulement sur la stabilité des deux spécialités contenant de l'amoxicilline dans l'eau dure, d'une seule spécialité contenant de l'amoxicilline dans l'eau douce et d'une à base de doxycycline dans l'eau de puits. Le chlore a dégradé la colistine dans l'eau douce et tous les médicaments dans l'eau dure à l'exception des sulfamides. Cette étude confirme l'impact des désinfectants sur la stabilité de certains antibiotiques dans l'eau et démontre le caractère multifactoriel et complexe de cette stabilité. Dans le cadre de cet essai le biocide chloré a eu plus souvent un impact négatif que l'eau oxygénée.

Une nouvelle étude (Pellicietti et al. - Italie) s'est intéressée à la persistance de résidus d'antibiotiques administrés dans l'eau de boisson. Elle montre que les concentrations plus élevées de résidus d'antibiotiques sont détectées dans les points médians et terminaux des lignes d'abreuvement et résultent d'une accumulation due à une diminution de l'écoulement de l'eau. Les auteurs insistent sur l'intérêt du nettoyage des rampes et s'interrogent sur les doses réellement reçues par les lapins dans les élevages où l'eau stagne. On peut donc en déduire aussi l'importance d'un circulateur pour l'administration orale d'antibiotiques pour éviter les inconvénients liés à la stagnation de l'eau de traitement. Il en va du respect de la dose administrée.
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  Médicaments
  Une étude algérienne (Makhlouf et al.) a tenté de montrer les effets bénéfiques de l'acide ascorbique (vitamine C) contre la néphrotoxicité (modifications vasculaires, des hémorragies, des cellules mononucléées infiltrantes et une dégénérescence des cellules tubulaires) induite par le traitement répété à haute dose d'ivermectine administrée chez le lapin. Les auteurs concluent à son intérêt lorsque la vitamine C est co-administrée par voie orale. On peut regretter cependant que cette étude de toxicologie n'ait pas respecté les bonnes pratiques et tire des conclusions sur des lapins dont il n'a pas été vérifié le statut sanitaire auparavant.
Par ailleurs, Bokreta et al. (Algérie) n'expliquent pas la motivation de leur étude mais ils ont testé l'utilisation du thym (Thymus vulgaris) contre la cardiotoxicité potentielle chez le lapin d'un mélange insecticide/acaricide phytopharmaceutique (donc réservé aux plantes) Voliam Targo® administré par voie orale à des lapins. Ce produit de traitement des tomates contre Tuta absoluta contient deux principes actifs (chlorantraniliprole et abamectine) ayant différents modes d'action sur les ravageurs. Les auteurs ont cherché à étudier l'effet protecteur d'une co-administration d'huile essentielle de thym (Thymus vulgaris) contre de possibles altérations histopathologiques cardiaques chez le lapin mâle exposé au produit phyto oralement à la dose journalière de 4mg/kg d'abamectine et 11 mg /kg de chlorantraniliprole durant 21 jours. Les auteurs ont montré que l'administration du produit de traitement des végétaux a provoqué des altérations du myocarde (capillaires sanguins encombrés, infiltration de cellules inflammatoires, augmentation des masses de fibres de collagène autour des vaisseaux sanguins). La co-administration d'huile essentielle de thym a permis une amélioration significative des changements morphologiques du cœur et les auteurs lui attribuent un effet cicatrisant et protecteur.
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  Reproduction expérimentale de maladie
  Pour affiner leur modèle expérimental d'infection à E coli chez le lapin, des auteurs chinois (Wei-Qiang et al.) ont utilisé une souche jugée pathogène de E. coli (malheureusement le sérotype n'est pas indiqué) et l'ont inoculé par voie intramusculaire, intrapéritonéale, intraveineuse et orale à des doses allant de 7,3 × 108 CFU/ml à 175,2 × 108 CFU/ml. Ils montrent que si toutes les voies sont possibles, la voie orale reste la meilleure pour des doses d'inoculat de 175,2 × 108 UFC.
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  Microbiote
  La consommation au nid de crottes dures maternelles réduit fortement la mortalité et stimule la maturation du microbiote. Les auteurs (Paës et al. - France) ont émis l'hypothèse que cet effet positif de ce type de coprophagie a une médiation immunitaire au niveau intestinal. Les expériences menées permettent de dire que ces résultats suggèrent un effet bénéfique du comportement coprophage sur la survie des lapereaux. Il pourrait être médié par une activation immunitaire dans l'iléon. Il est intéressant de noter que l'effet de la coprophagie sur l'expression des gènes immunitaires intestinaux n'a pas été observés lorsque les lapereaux ont ingéré des excréments produits par des lapines consommant des antibiotiques, probablement parce que des bactéries immunostimulantes clés étaient manquante
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  2.4. Les maladies génétiques
  Lapin sauteur d'Alfort
Les auteurs (Boucher et al. - France, ...) ont mis en évidence le gène codant pour le caractère " sauteur " de cette affection connue depuis 1935. La maladie, outre une locomotion bipédique sur les pattes avant, pour le moins originale chez le lapin, lui permet d'exprimer bon nombre de lésions oculaires dont une rétinopathie et une cataracte constantes le rendant aveugle. Depuis 1991 un groupe d'éleveurs et de chercheurs travaillent à la préservation de lignées et à l'étude de sa maladie. Récemment il a été mis en évidence, en utilisant une combinaison de croisements expérimentaux et de séquençage du génome entier, qu'un seul locus contenant le gène bêta du récepteur orphelin lié au ROR (RORB) explique la démarche atypique de ces lapins. Une mutation du site d'épissage dans un site évolutif conservé de RORB entraîne plusieurs isoformes de transcription aberrantes incorporant des séquences introniques. Cette mutation entraîne une réduction drastique des neurones RORB-positifs dans la moelle épinière, ainsi que des défauts de différenciation de la population d'interneurones exprimant DMRT3, qui sont connus pour jouer un rôle essentiel dans la régulation de la marche à travers les espèces.