17 mars 2022 - Journée d'étude ASFC «Nantes - Ombres & Lumières»
  a

TECHNIQUE D'ÉLEVAGE et ÉCONOMIE

par


Laurence LAMOTHE * et Raphaël ROBERT **

* INRAE, GenPhySE, Chemin de Borderouge, 31326, Castanet-Tolosan -France
** HYPHARM SAS, 3 La Corbière, Roussay, 49450, Sevremoine - France

 

Lors du congrès mondial de 2021 à Nantes en France, 19 communications (1 synthèse, 6 présentations orales et 12 posters) ont été présentées dans la session techniques d'élevage et économie: 3 pour la Chine, 5 pour la France, 3 pour l'Espagne, 1 pour l'Italie, 1 pour le Nigéria, 1 pour la Trinidad, 1 pour le Brésil, 1 pour le Portugal, 1 pour la Suisse, 1 pour les Philippines, 1 pour la Hongrie. Deux communications de la Session Ouverte ont également retenu notre attention et seront traitées dans cette section : 1 pour les USA+Nigeria (Lukefahr et Oseni) et 1 pour l'Espagne (Sanchez et al.). L'ensemble de ces 21 contributions peut s'articuler autour de 5 volets : économie (4 contributions), stratégie d'alimentation autour du sevrage ou en engraissement (7 contributions), la production cunicole biologique en France (2 contributions), des techniques d'élevage innovantes (3 contributions) et la caractérisation des élevages en conditions non européennes (5 contributions).

Il est intéressant de noter que 3 contributions recouvrent à la fois le champ de l'économie et des techniques d'élevage. La contribution de Gidenne (France) rapporte une analyse d'impact de la stratégie de maitrise des ingérés alimentaires en engraissement développée en France au cours des 10 dernières années qui va jusqu'à l'évaluation de l'impact économique. Rebours et al. (France) ont étudié l'effet d'une alimentation horaire progressive et du niveau nutritionnel des aliments sur les performances mais aussi sur le coût économique (alimentation). Enfin, Lukefahr et Oseni (USA-Nigeria) proposent une synthèse bibliographique sur les systèmes intégratifs d'élevage vertical de lapins pour les villes, qui renvoient à un modèle d'économie circulaire.

1. Economie
  1.1 Commerce de viande de lapin des principaux pays : modèles régionaux et facteurs d'influence (Synthèse de Wu et Lukefahr)
  La production mondiale de viande de lapin a augmenté régulièrement au cours des 60 dernières années. Au cours de la période, le centre de la production s'est déplacé d'Europe (principal producteur de 1960 à 1980) vers l'Asie (surtout la Chine ; de 2000 à 2020 ; Figure 1). Le commerce de la viande de lapin a augmenté pendant environ 20 ans (1960 à 1980), puis il a fluctué pendant 20 ans pour être aujourd'hui stable en portant sur environ 37 000 tonnes. Le flux commercial vient actuellement de la région asiatique (principalement de la Chine) vers les pays européens (Figure 2).
 

Figure 1 : Evolution de la production de viande de lapins dans les différents continents depuis les années 1960
  En 2019, les 5 principales destinations d'exportation étaient l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, la France et l'Espagne. La France exporte un peu plus qu'elle n'importe (5959 t vs 2870 t). La France, l'Espagne, la Chine, la Hongrie et la Belgique sont les trois pays européens les plus exportateurs. La Belgique, la Hongrie et l'Espagne deviennent progressivement des plateformes d'échange de viande de lapin en Europe. La France, comme l'Italie, a un degré de concentration de ses échanges qui est faible puisqu'elle exporte vers de nombreux Pays (n=58) et que les 5 pays qui bénéficient le plus de ses exportations (Italie, Espagne, Belgique, UK et Allemagne) ne représentent que 70% de ses exportations totales (contre 90% pour la Belgique). Cette situation est favorable, car la diversité des partenaires diminue la dépendance et donc le risque. Bien que la production de viande de lapin en Chine augmente encore, les exportations ont diminué au cours des dernières décennies, suggérant un développement de la consommation intérieure. La Chine perd progressivement ses avantages comparatifs dans le commerce de la viande de lapin (RCA 8,43 à 1,33 entre 2000 et 2018) tandis que la France au contraire consolide son avantage (RCA de 3,50 à 5,52), et qu'en Europe, la Belgique et l'Espagne renforcent leur position (de 1,41 à 7,56 en Belgique et de 4,79 à 8,93 en Espagne).
a
  La consommation de viande de lapin a suivi des fluctuations assez proches de celle de la production. Ainsi, la consommation française est passée de 4,1 kg/hab/an en 1961 à 0,65 kg/hab/an en 2019. A l'inverse, si la production de viande a considérablement augmenté en Chine depuis 1961, au final en 2019 la consommation moyenne en Chine est de 0,68 kg/hab/an en 2019. Les pays ayant des PIB élevés ont tendance à augmenter davantage les importations, mais diminuer les exportations. Les pays ayant une population plus élevée exportent plus de viande de lapin, mais importent moins.
 

Figure 2 : Exportations nettes de viande de lapins dans différents pays
 

La langue commune et la frontière commune de deux pays ont un impact important sur le commerce de la viande de lapin. D'un point de vue stratégique, il semble que les entreprises françaises désireuses d'exporter leur produits ou leurs services devraient donc choisir la destination la plus appropriée pour s'installer et à partir de cet endroit profiter des réseaux locaux pour étendre leur influence. En effet, l'étude montre que les éleveurs de lapins ou les entreprises de transformation devraient accorder de l'attention aux consommateurs nationaux ou aux pays voisins afin d'exploiter les marchés potentiels. L'étude recommande que les gouvernements devraient populariser la connaissance nutritionnelle de la viande de lapin afin d'encourager les personnes (en particulier les jeunes) à consommer la viande de lapin, plus saine, plutôt que celle de porc et de bœuf, et ainsi réduire l'obésité et les maladies cardiaques associées à des régimes néfastes à la santé. Nous sommes sceptiques sur ces recommandations car les études montrent, au contraire, qu'en Europe, les vecteurs d'usage des produits bruts portent rarement sur le bénéfice santé (ceux-ci sont mobilisés essentiellement pour des extraits, ou des compléments alimentaires à haute valeur ajoutés).

  a
1.2. Economie de la production cunicole en Chine (3 contributions de Li et Wu ; Zhang et Wu ; Zhang Shunli et Zhu )
  Ces trois contributions sont complémentaires et montrent :
- 1) que le taux de croissance de la production de viande de lapin en Chine est très élevé (Figure 3) et la compétitivité de l'industrie chinoise du lapin est forte sur les marchés chinois et mondiaux.
- 2) que la consommation globale de viande de lapin en Chine est encore faible comparativement aux autres espèces. Ceci suggère qu'il existe encore une forte marge de développement pour cette filière en Chine d'autant que le nombre de foyers qui consomment du lapin est en augmentation (36,1 en 2011 vs 43,8 en 2018), ce qui est contraire à ce qui est observé en Europe. Zhang et Wu montrent que les qualités nutritionnelles de la viande de lapin sont peu connues en Chine et ils suggèrent qu'il "est nécessaire de renforcer la propagande médiatique sur les caractéristiques nutritionnelles de la viande de lapin" dans le but de stimuler la consommation et donc le développement de la filière. Il serait intéressant de voir si ce genre de stratégie de relance, axé sur les bénéfices nutritionnels, est fructueuse sur les marchés asiatiques qui sont encore en croissance. Elle est généralement peu fructueuse sur les marchés européens et le CLIPP axe plutôt ses campagnes médiatiques sur les usages (plutôt que sur les bénéfices santé). Cette conclusion des auteurs chinois est d'ailleurs assez surprenante puisque le principal frein à la consommation est le manque d'habitude de consommation (59,6 des freins identifiés). Il paraitrait donc plus judicieux de faire de la promotion d'usage (recette, dégustation, cadeau) que de la propagande de connaissances diététiques.
- 3) que les grands élevages chinois améliorent leurs revenus principalement en y augmentant la quantité de travail, et en investissant dans les équipements techniques et le contrôle des épidémies. Pour les élevages de taille moyenne, les marges de progrès pour améliorer les revenus, portent sur la productivité à l'animal notamment en maitrisant mieux la santé des lapins.
 

Figure 3 : Evolution du taux de croissance annuel de la production de différentes viandes en Chine
a
2 . Techniques d'élevage
  2.1 - Stratégies d'alimentation autour du sevrage ou en engraissement

Figure 4 : Evolution du taux de mortalité en engraissement dans les élevages
cunicoles français
Nous commençons par une synthèse courte présentée par Gidenne T. (INRAE) de l'analyse d'impact des stratégies de régulation de l'ingéré alimentaire mise en place en production cunicole depuis de nombreuses années avec l'objectif de sécuriser la production. Cette étude a été réalisée à l'aide d'une méthode d'analyse rétrospective (2005-2015) pour établir l'impact de la mise en place des stratégies de régulation de l'ingéré alimentaire sur la mortalité des animaux en phase d'élevage, l'utilisation des antibiotiques, l'indice de consommation et l'impact environnemental global.
Les études réalisées sur des lapins d'engraissement pour limiter l'ingéré alimentaire après sevrage ont montré une amélioration de la santé digestive des animaux, un indice de consommation amélioré et une limitation des pertes en engraissement. Ces études ont en partie été réalisées avec des partenaires hors INRAE, pour permettre l'échange de savoir-faire et d'informations, et obtenir une connaissance plus robuste et la possibilité de proposer des préconisations. Ainsi, cette méthode de contrôle de l'ingéré est aujourd'hui utilisée par une majorité des éleveurs de lapins en France. Les résultats de ces élevages montrent bien une baisse significative de la mortalité en engraissement (Figure 4), une diminution de l'indice de consommation et également une baisse de l'utilisation des antibiotiques depuis la mise en place de cette méthode. Cette synthèse met en évidence le bénéfice d'une collaboration au long court entre les instances publiques et les partenaires privés pour des résultats gagnant / gagnant.
a
  La deuxième publication est une étude réalisée par Birolo et al. (Italie) qui présentent les performances de croissance, de santé et d'abattage de lapins, conduits en engraissement selon différents programmes d'alimentation à durée plus ou moins limitée. Cinq programmes ont été testés : AL ad libitum (témoin) ; DF accès à la mangeoire en journée avec une alimentation rapide et complète ; NF accès nocturne à la mangeoire avec une alimentation rapide et complète ; NS accès à la mangeoire pendant la nuit avec une alimentation lente et complète ; NI accès à la mangeoire pendant la nuit avec une alimentation lente et incomplète. Ainsi, en fonction des programmes les animaux ont été alimentés en 1ère semaine de 14h à 9h par jour (durée décroissante) ; puis 8h par jour la deuxième semaine ; puis à partir de la 3ème semaine la durée de distribution augmentait de 30min/jour, 1h/jour ou 4h/jour en fonction des programmes. Le groupe alimenté pendant la nuit de manière lente et incomplète (NI) a présenté la meilleure efficacité alimentaire sans dégradation de croissance ni des résultats d'abattage. Cependant pour tous les groupes testés (hors témoin ad lib) la santé des animaux n'est pas améliorée (9% de perte en moyenne). Il semble toujours nécessaire de poursuivre l'amélioration des techniques de maîtrise de l'ingéré pour pouvoir s'adapter à différentes contraintes d'élevage car ces dernières peuvent apporter des réponses variables en fonction du contexte.
a
  Pascual et al. (Espagne) posent la question de l'alternative de l'utilisation d'antibiotiques par des méthodes de restriction alimentaire dans des environnements non contrôlés. Dans cette étude, 4 régimes sont comparés sur des lapins entre 35 et 63 jours : ad libitum avec aliment médicamenteux (AdLibMed) ; ad lib sans antibiotique (AdLibNoMed) ; restreint avec aliment médicamenteux (RestrMed) ; et restreint sans antibiotiques (RestrNoMed). Quel que soit le régime, les mortalités ont été proches ainsi que l'efficacité alimentaire. Dans cet essai, malgré les hypothèses formulées initialement, aucun des programmes réalisés n'a eu d'effet, bénéfique ou dépréciateur, sur la santé ou l'efficacité alimentaire, ce qui montre la variabilité des réponses dans ce domaine.
a
  La publication de Saiz del Bario et al. (Espagne) présente l'évolution de la croissance et de l'homogénéité de lapins en engraissement nourris en suivant un programme de restriction alimentaire. Les lapins sont assignés à un groupe de poids de départ petits (519-680g), moyens (681-749g) et gros (750-911g).. Les lapins sont par la suite mélangés (petits-moyens-gros) par cage en fonction des traitements réalisés :(Traitement 1 : 7 animaux de poids moyen ; Traitement 2 : 1 petit + 2 moyens + 4 gros ; Taitement 3 : 3 petits + 1 moyen + 3 gros  ; Traitement 4 : 4 petits + 2 moyens + 1 gros; et Traitement 5 : 7 lapins de la petite taille) Leurs croissance et homogénéité sont suivies. Il est constaté que les différences de poids constatées au sevrage sont maintenues pendant toute la croissance. Cependant, en fonction des mélanges de lapins réalisés au démarrage de l'engraissement, l'homogénéité des cages est mieux maintenue pour des lapins de poids homogènes au démarrage. Les auteurs concluent que l'homogénéité des animaux au sevrage est importante pour des animaux rationnés. Ainsi la bonne condition des lapins au démarrage, et un bon allotement sont une clé pour avoir une bonne maîtrise des ingérés et une croissance maîtrisée.
a
 

Les deux publications suivantes ont été réalisées par Rebours et al. (France). La première décrit la vitesse de prise alimentaire journalière de 168 lapins Hyplus à l'engraissement répartis en 3 lots de 56 lapins : le premier groupe a eu un aliment standard pendant 10h par jour (10h STD), le deuxième groupe a eu le même aliment standard avec un régime horaire progressif d'alimentation, soit 6h par jour en début de période d'engraissement et e,suite une augmentation d'une heure par semaine (6h+1 STD) et le troisième groupe avait le même programme d'accès à l'aliment que le deuxième groupe mais avec un aliment un peu plus concentré (6h+1 C+). Pour chaque groupe, la vitesse de la prise alimentaire a été mesurée. La concentration alimentaire a légèrement diminué la vitesse d'ingestion en régulant la consommation alimentaire. Cette publication apporte de nouvelles informations sur la vitesse de la prise alimentaire dans différentes situations de distribution. La seconde publication évalue l'effet d'une alimentation horaire progressive avec deux niveaux nutritionnels sur les performances, l'état sanitaire des lapins à l'engraissement et le coût de l'alimentation, en comparaison avec une alimentation horaire constante. L'aliment de 3% plus concentré au plan énergétique a permis de réduire de manière non significative de 2,7% l'IC global par rapport à 6h+1 STD et significativement de -10,6% par rapport à 10h STD, permettant de réduire le coût de l'alimentation (2,30 €/lapin contre 2,36 € et 2.60 €/lapin respectivement pour les 2 autres modes de rationnement. Ainsi, une bonne connaissance des stratégies alimentaires avec une bonne maîtrise des ingérés permet de choisir le système le plus économique.
a

  La dernière publication concernant les stratégies d'alimentation est proposée par Arnaud-Bonachera et al. (Espagne). Elle décrit des effets croisés entre la génétique des animaux (lignée GTP " productive " comparée à une lignée GTR " robuste ") et des conduites différenciées par un sevrage plus ou moins précoces (49 ou 28 jours) avec ajout d'un lacto-remplaceur pour les animaux sevrés à 28 jours. L'objectif est d'assurer la sécurité sanitaire des animaux sans utilisation d'antibiotiques. La conclusion de cette étude montre que l'utilisation d'animaux de lignée robuste GTR, avec un régime alimentaire à faible risque combinés à un sevrage à 28 jours avec apport de lacto-remplaceur pour les lapereaux, peut être une stratégie intéressante pour équilibrer le risque sanitaire, assurer une productivité tout en conservant un rythme de production rapide. Cette étude montre bien l'importance de travailler sur les interactions entre le génotype des animaux et le milieu dans lequel ils évoluent pour permettre des progrès dans la sélection d'animaux plus résilients et adaptés aux nouveaux systèmes émergents.
  a
  2.2 Production cunicole biologique
 

Goby et al. (France) présentent une étude pour comparer 2 densités de pâturage (D1=0,4m² et D3=1,2m²/lapin/jour) à l'aide de deux groupes de 5 cages mobiles déplacées chaque jour, hébergeant 1 ou 3 lapins pour une même surface de pâturage de 1,2m². Avec l'allocation de pâturage standard (0,4m²/lapin/jour) la capacité de consommation de pâturage du lapin n'est pas couverte (ils pouttaient manger plus d'herbe). Selon la qualité du pâturage, un aliment concentré complémentaire peut être recommandé pour atteindre un poids commercial (2,4 kg) 5 à 6 semaines après un sevrage à 45 jours. Cette étude permet d'apporter des éléments d'accompagnement pour le développement de la cuniculture en agriculture biologique ou avec un parcours herbagé.


La seconde publication par Huang et al. (France) propose une application pour smartphone "GAELA" qui combine une aide à la décision (gestion de l'élevage) et l'enregistrement des performances pour l'élevage de lapins. Cette application permet un suivi individuel par les éleveurs, En outre, l'enregistrement et l'étude des données collectées dans différents élévages permet de créer un référentiel national pour l'élevage de lapins "non conventionnels". Cet outil permet d'assurer un suivi et aussi d'apporter des éléments de comparaison entre élevages cunicoles qui font du suivi individuel (et non pas en bande) : élevages biologiques, élevages de races et autres cahiers des charges non conventionnel.
a

  2.3. Techniques d'élevage innovantes
 

Gerencsér et al. (Hongrie) ont examiné l'effet de la tonte des poils des lapins en croissance élevés à des températures élevées. Ils concluent que l'effet des températures élevées sur les lapins en croissance peut être considérablement atténué par la tonte des poils. Ils suggèrent en conséquence que c'est une stratégie possible pour améliorer le bien-être animal même si elle se révèle très longue et aussi source d'inconfort pour l'animal lors du rasage. La méthodologie utilisée dans cette contribution nous a évoqué la phrase de Rabelais (1532 dans Pantagruel) " science sans conscience n'est que ruine de l'âme ". A l'heure où nos systèmes d'élevage sont souvent critiqués sur le bien-être animal, gardons-nous de promouvoir de telles pratiques, même dans la perspective du réchauffement climatique.
a

  Silva et al. (Brésil) ont montré qu'il était possible de prédire le poids vif d'un lapin en croissance à l'aide de la thermographie infrarouge (Figures 5 et 6). Un total de 144 lapins en croissance pesant 1,74 ± 0,45 kg ont été utilisés pour capturer des images avec la technique de thermographie infrarouge. Les lapins ont été pesés le matin (entre 8h et 9h). Les images IRT ont été prises à l'aide d'une caméra infrarouge Flir F4. Les images ont été analysées et les mesures corporelles (surface, périmètre, majeur et mineur à partir des axes primaire et secondaire de l'ellipse la mieux ajustée, diamètre de Feret et diamètre minimum mesuré au pied à coulisse) et les descripteurs de forme (rapport d'aspect, rondeur, "solidité", circularité) ont été enregistrés. Les données ont été analysées par une régression linéaire multiple pour prédire le poids vif (variable dépendante) avec des mesures corporelles et des descripteurs de forme (variables indépendantes). Les résultats ont montré que les mesures corporelles obtenues après analyse d'image IRT présentaient plus de variation que les descripteurs de forme (CV entre 12 et 20 % vs 1,4 et 10 %, respectivement). Le meilleur modèle de prédiction a utilisé quatre variables indépendantes (aire, grand et petit axes des ellipses et diamètre de Ferret) calculées à partir de l'IRT (k-fold-R² = 0,945 ; RMSE = 106,9 g). Cette méthode semble donc prometteuse. En France, la maitrise des ingérés après le servage est une technique généralisée qui se base le plus souvent sur des pesées d'un échantillon d'animaux de la bande. Avec le développement de systèmes alternatifs en grands groupes (parcs au sol), il pourrait devenir plus difficile d'attraper et de peser les animaux. Cette technique peut donc se révéler prometteuse.
a
 
Figure 5 : Image d'un lapin dans sa cage, photo et prise par thermographie infra-rouge

Figure 6 : Relation entre le poids vif mesuré et celui prédit par thermographie infra-rouge

Figure 7: La mangeoire équipée de son dispositif électronique

Sanchez et al. (Espagne) ont développé une technique d'enregistrement individuel de la consommation alimentaire des lapins élevés en groupe. La communication présente le dispositif, le type de données brutes qu'il produit et la manière dont ces informations sont éditées. La figure 7 présente une photo du distributeur électronique d'alimentation installé dans des cages polyvalentes. L'appareil est placé dans la zone du nid, et il fournit de la nourriture aux lapins de 2 cages contiguës de 6 ou 7 lapins chacune en fonction des essais. La mangeoire a deux composants, une partie externe formée par une trémie avec une vis électronique dans sa base pour diriger les granulés vers l'auge qui est fixée à une mini balance électronique. L'accès à l'auge se fait par un tunnel en polycarbonate. Dans ce tunnel il y a deux capteurs : 1) un détecteur de mouvement pour détecter les animaux entrant ou sortant de l'accès à la mangeooire et 2) une antenne de radiofréquence utilisée pour lire la marque individuelle RFID (Radio Frequency Identification) que chaque lapin porte à l'oreille. Les mesures sont collectées chaque seconde. Les résultats montrent que pour un ensemmble de 2 x 6 lapins nourris à volonté il y a environ 1200-1270 visites brutes par 24 heures (1500 s'il y a 7 lapins par cage) et seulement 1100 si les lapins sont rationnés 12h/24. Mais environ 40 à 45 % des visites à la mangeoire ne sont pas associés à une prise alimentaire reélle. Il y a donc besoin d'un travail de "nettoyage" des données. Le logiciel d'édition des données est toujours en cours de développement et d'amélioration pour augmenter la qualité des informations enregistrées sur la prise alimentaire. Cette technique est prometteuse, mais pas encore applicable sur le terrain dans un avenir proche. Elle semble néanmoins intéressante, notamment (i) pour les sélectionneurs qui doivent évaluer les animaux dans des conditions les plus proches possibles des conditions de terrain, sachant que l'élevage en grand groupes va probablement se développer dans les prochaines années et (ii) pour les stations expérimentales.

 

 

Lukefahr et Oseni (USA & Nigeria) ont proposé une réflexion prospective visant à proposer une place pour le lapin dans l'élevage périurbain du futur. En effet, aujourd'hui la majorité de la population mondiale vit dans les villes. Avec de nombreux problèmes ou défis graves qui affectent les niveaux actuels de production alimentaire, y compris la demande croissante de nourriture, il est devenu de plus en plus évident que les habitants des villes doivent contribuer pour une part importante à la production alimentaire mondiale. Les systèmes agricoles verticaux y sont présentés comme une voie possible. Ils peuvent être des écosystèmes en boucle fermée ou circulaires où l'énergie solaire et l'énergie éolienne sont exploitées et l'eau de pluie est collectée. De tels systèmes limitent beaucoup plus l'empreinte carbone par rapport aux fermes rurales traditionnelles. L'article décrit plusieurs modèles d'agriculture verticale innovants et applicables (par exemple, l'aéroponie, l'aquaponie et la culture hydroponique), qui pourraient potentiellement inclure un composant de viande de lapin. Contrairement à la volaille et aux poissons, les auteurs argumentent que les lapins sont idéaux car ils peuvent se nourrir en grande partie de déchets végétaux. De plus, leurs déchets fécaux et urinaires peuvent être recyclés et transformés en engrais pour faire pousser des légumes et d'autres cultures ou même pour fertiliser les étangs utilisés pour l'aquaculture (Tableau 1). Même si cette contribution est prospective, elle nous rappelle que les modes de production peuvent considérablement évoluer dans les années qui viennent. Il existe peut-être une opportunité pour le lapin dans le développement de l'élevage péri urbain, même si celui-ci n'est pas obligatoirement aussi futuriste que présenté dans cette contribution. La France a développé un modèle de production dominant très homogène et il serait peut-être pertinent d'évaluer les modalités pour un élevage cunicole urbain ou périurbain. Il faudra cependant de la vigilance pour ne pas développer des systèmes qui seraient moins bien perçus d'un point de vue du bien-être animal (ex : Figure 8, milieu).

 

 
Espèce Aliment
de base
% protéines
aliment
Vitesse
de croissance individuelle
Indice de
consommation
Poids vif
final (kg)
Âge à
l'abattage
Nb animaux
/ m²
Rendemant
à l'abattage
Viande
% protéines
Déchet
azoté
Lapin Fourrages 16 40 g/j 3,0 2,0 63 j 16 55% 21 proteines
Poulet Grains 20 56 g/j 1,9 2,6 47 j 18 71% 20 acide urique
Porc Grains 12-14 668 g/j 3,0 114 170 j 0,1- 0,65 72% 12 miultiple
Tilapia (poisson) Algues 30-40 1,5-1,6 g/j 1,6 0,40 150-180 j 3 52% 20 NH3 -Urée
Tableau 1 : Aspects comparatifs de la production des espèces animales pouvant être produites en agriculture verticale, selon différentes sources
 

Figure 8 : à gauche ,Tour hyperbolîde Skyfarm; au milieu, Elevage vertcal de poulets aux Pays-Bas; à droite Le gratte-ciel multifonctions de Plantagon
 
 
2.4. Elevage en Suisse et en conditions non européennes
  Schwartz et al. (Suisse) décrivent les pratiques d'antibiothérapie et les pertes d'animaux dans les élevages cunicoles suisses (52 fermes enquêtées pendant 1 an qui couvrent environ 90 % de la production commerciale en Suisse). En effet, la législation sur les conditions de logement des lapins en Suisse diffère de celle des autres pays car l'hébergement sur sol grillagé est interdit et l'hébergement en groupe en engraissement est obligatoire. Malgré ces conditions d'hébergement de haut niveau en matière de bien-être animal, les pertes d'animaux restent un problème majeur. Ainsi, cette étude montre que la mortalité des animaux y est très élevée (15,7% avant sevrage + 19 % après le sevrage vs 6,3% avant et 8,6% après en 2019 en France) malgré une utilisation d'antibiotique non négligeable (17/52 élévages sans antibiotiques; 15/52 élévages avec utilisation régulière, 20/52 avec utilisation raisonnée). Les résultats sont très variables selon les éévages : le taux de mortalité chez les lapins à l'engrais variait de 3,7% à 41,6% et la mortalité des lapereaux sous la mère variait de 4,3% à 34,1%. Les photos montrent toutes des élevages sur sol plein avec litière. A l'heure ou l'Europe réfléchit à l'évolution de la réglementation pour mieux prendre en compte le bien-être animal, cette contribution rappelle le lien fort entre conditions d'élevage et santé des animaux.
 

Figure 9 : Exemples de différents systèmes d'élevage enquêtés en Suisse. Logement individuel pour les lapins reproducteurs (gauche),
logement collectif pour lapines reproductrices (milieu), logement collectif pour lapins en engraissement (droite)
  Trois contributions décrivent les techniques d'élevage ou les performances de lapins élevées dans des conditions non européennes (Trinidad, Brésil, Philippines). Ces travaux n'apportent pas de nouveautés directement applicables à la cuniculture françaises mais rappellent que lorsque les conditions d'ambiance sont peu maitrisées, les performances peuvent être très fortement altérées.