17 mars 2022 - Journée d'étude ASFC «Nantes - Ombres & Lumières»

GÉNÉTIQUE

par

Hervé GARREAU* et Mickaël MAUPIN**

* INRAE Centre de Toulouse, 31326 Castanet-Tolosan
** HYPHARM, Roussay, 49450 S
èvreMoine


Les 2 auteurs pendant leur présentation
Vingt-unes communications (un rapport de synthèse et 20 communications courtes) ont été présentées lors de la session " Élevage & Génétique ", soit 10 de moins qu'au dernier congrès mondial; mais il faut cependant y ajouter 5 communications courtes qui avaient été acceptées par le comité de lecture, mais qui n'ont pu être présentées par leurs auteurs pour diverses raisons. Sur l'ensemble la France et l'Espagne sont les mieux représentées avec 7 communications chacune, puis 4 pour la Hongrie, 2 pour l'Italie, 1 pour le Nigeria, 1 pour le Brésil, 1 pour la Chine, 1 pour l'Egypte et 1 pour le Vénézuéla. L'ensemble de ces contributions peut s'articuler autour de 4 volets : variabilité génétique et sélection des caractères, génétique moléculaire, gestion et effets de la consanguinité, caractérisation de populations locales. Il convient de rappeler que 2 communicationx comparant l'aptitide à la reproduction de différents génotypes ont été présenétes lors de la session "Reproduction". Nous le les reprendrons pas ici.
1 - Variabilité génétique et sélection des caractères
1.1.Synthèse sur " Facteurs génétiques des caractères fonctionnels "

Dans le rapport invité Garcia, Gunia et Argente (Espagne et France) ont réalisé une synthèse sur la génétique des caractères fonctionnels. La sélection des caractères fonctionnels est un objectif majeur pour répondre aux attentes en terme de bien-être animal et de réduction de l'utilisation d'antibiotiques.
L'héritabilité est d'environ 0,13 pour la longévité de la lapine, de 0,01 pour l'uniformité du poids à la naissance (facteur de survie du lapereau), de 0,09 pour l'homogénéité de la taille des portées et d'environ 0,11 pour la résistance aux maladies. La faible héritabilité de l'uniformité du poids à la naissance s'explique par les transformations des données réalisées à des fins de calcul : la valeur d'héritabilité n'est plus interprétable. En réalité une expérience conduite à INRAE et les résultats de sélection en lignées commerciales ont montré que ce caractère avait une héritabilité réalisée de l'ordre de 0,20. Les corrélations génétiques entre les caractères fonctionnels et les caractères de production ne sont généralement pas différentes de zéro, ou sont modérément favorables dans certains cas. Ainsi, l'ajout de caractères fonctionnels dans les objectifs de sélection est compatible avec l'amélioration des performances et n'entraîne pas de dégradation des caractères de production.
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Six programmes de sélection développés dans trois pays (France, Espagne et Hongrie) ont été passés en revue. Les créations de lignées en sélection ou des expériences de sélection divergentes sont différentes méthodologies utilisées, et des réponses favorables à la sélection ont été obtenues. Des études génomiques ont révélé des associations dans les régions liées à la fonctionnalité du système immunitaire et au stress dans les lignées sélectionnées pour la variabilité de la taille des portées. La connaissance du rôle du microbiote intestinal sur la réponse immunitaire du lapin est très limitée. Une approche multi-omique peut aider à connaître les mécanismes microbiens sur la régulation des gènes d'immunité de l'hôte. Les études évoquées ne restent à ce jour qu'au stade de la recherche fondamentale.
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1.2 Etudes génétiques de caractères d'intérêts

Girardie et al., (France) ont présenté une étude visant à caractériser les performances et le comportement de lapereaux et de lapines d'une lignée du sélectionneur Hypharm (L22) sélectionnée pendant 22 générations pour un objectif combinant croissance, santé du jeune et qualités maternelles. A cette fin, la lignée L22 a été comparée à une population témoin, créée à partir d'embryons congelés issus des fondateurs de la lignée, et avec un dispositif d'adoptions croisées. A j21, les femelles L22 produisaient plus de lait que les femelles L0 (250 g vs 206 g, P=0,0003) ce qui a conduit à un poids plus élevé des jeunes à j21 (378 g vs 340 g, P<0,001). Les femelles L22 avaient de meilleures qualités maternelles que les L0 en ce qui concerne la qualité du nid (P=0,06), la fourniture de poil pour le nid (P<0,0001), la production de lait (P=0,0003) et la volonté d'allaiter (P=0,007). À la plupart des stades de lactation les petits de L22 ont été observés plus souvent hors du nid que de petits L0, qu'ils aient été élevés par des lapines L0 ou L22. Les lapereaux L22 ont quitté le nid plus tôt pendant la lactation et étaient plus audacieux dans un test d'émergence que les lapereaux L0. Les lapines L22 avaient également des tailles de portée significativement plus élevées à la naissance et au sevrage. Ces résultats confirment l'intérêt d'une sélection combinant croissance, santé du jeune et qualités maternelles, avec une tendance favorable sur les comportements maternels et du lapereau pendant la lactation, bien que difficiles à mesurer et peu voire pas héritables.
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Dans le projet français RELAPA financé par le CLIPP, le Carnot Santé Animale et les sélectionneurs, Gunia et al. ont infecté 953 lapins croisés issus des 6 lignées maternelles commerciales avec une souche de Pasteurella multocida. Une note de résistance de 0 (non résistant) à 5 (très résistant) a été donnée en fonction du taux de survie combiné à l'étendue des lésions cutanées (abcès) et de la dissémination bactérienne dans l'organisme. Les héritabilités étaient faibles à modérées pour tous les caractères sanguins (h² variant de 0,04 pour les globules rouges à 0,30 pour les monocytes), à l'exception du pourcentage d'éosinophiles, qui ne semble pas être héritable. Il y a des corrélations génétiques positives entre la note de résistance et le nombre de globules rouges, les taux d'hématocrite, d'hémoglobine et de lymphocytes. A l'inverse, il existe des corrélations génétiques négatives entre la note de résistance et les pourcentages de plaquettes, de globules blancs, de neutrophiles et de monocytes. Parmi les caractères hématologiques, le pourcentage de lymphocytes pourrait être un critère de sélection potentiel vis-à-vis de la résistance à la pasteurellose. Son héritabilité était relativement élevée (h²=0,24 ± 0,09) par rapport aux autres caractères et sa corrélation avec la note de résistance est également élevée (r=0,83). Il s'agit des premières analyses des paramètres génétiques des caractères hématologiques chez des lapins infectés expérimentalement. En complément, ces résultats ayant été obtenus après inoculation, il aurait été intéressant d'étudier les différents paramètres sanguins avant épisode infectieux, pour pouvoir trouver des caractères prédictifs de résistance.
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Piles et al. (Espagne) ont cherché à prédire l'indice de consommation (IC) des jeunes lapins à partir de de données d'abondance de microbiote (ASV) pour améliorer ce caractère, en sélectionnant les animaux avec le microbiote le plus favorable, et en identifiant les micro-organismes les plus pertinents impliqués dans l'efficacité alimentaire. Les données proviennent de deux populations de lapins issus de la lignée paternelle INRA 1001 : la génération G10, sélectionnée depuis 10 générations pour une consommation alimentaire résiduelle réduite et la génération témoin G0 produite à partir d'embryons congelés de la lignée initiale commune. Les 918 ASVs ont été transformés par une fonction logarithmique, centrés et corrigés pour les effets de lot. La méthode Machine learning repose sur l'entraînement d'un modèle de prédiction sur un sous-échantillon et sur la validation de ce modèle sur un autre échantillon de test. Les ASVs ont été classés en fonction de leur importance de prédiction par un algorithme de forêt aléatoire basé sur différents sous-ensembles de taille croissante (50, 100, 150, 200, 300, 400, 500, tous). Les meilleures performances et les résultats les plus stables ont été obtenus avec l'apprentissage automatique utilisant les 100 ASVs les plus importants étant pour la plupart reliés à l'ordre des Clostridiales. Les valeurs de la corrélation de Spearman (intervalle interquartile) étaient de 0,33 (0,09) et 0,32 (0,06) pour SVM et ENET, respectivement. Ces valeurs de prédiction restent assez faibles et la méthode nécessite énormément de temps de calcul. La méthode était exploratoire et ne se révèle pas très intéressante pour les évaluations de routine. De plus, la sélection directe sur l'efficacité alimentaire par les méthodes déjà connues (par la consommation résiduelle ou le gain moyen quotidien en régime alimentaire restreint) semble plus efficiente.
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Une expérience de sélection divergente pour la teneur en lipides intramusculaire (FMI) dans les muscles longissimus thoracis et l. lumborum (muscles du râble) a été réalisée chez le lapin pendant 10 générations à l'Université Polytechnique de Valence (Espagne), pour étudier les mécanismes impliqués dans le dépôt de graisse intramusculaire (Zubiri-Gaitán et al.). Le but de cette expérience était d'analyser la réponse corrélée à la sélection sur le métagénome intestinal, afin d'essayer d'élucider le rôle du microbiote et de ses gènes sur les mécanismes évoqués. Des analyses de Partial Least Squares (PLS) et de PLS discriminant (PLS-DA) ont été utilisées pour trouver les gènes microbiens affectés par la sélection. L'analyse PLS est une méthode de régression de moindre carré qui permet d'estimer le lien entre des variables explicatives (les données d'abondance des gènes des différents microorganismes du microbiote) et la variable à expliquer (le gras intra musculaire dont les valeurs divergent entre la lignée basse et la lignée haute). La PLS DA (Discriminant Analysis) est une PLS supervisée qui permet de sélectionner les variables explicatives les plus prédictives. 122 gènes microbiens qui se chevauchaient entre les résultats de PLS-DA (240) et PLS (230) ont été pris en compte, aidant à différencier ceux qui sont réellement liés à la FMI de ceux qui ont été fixés en raison de la dérive génétique, confirmant l'existence d'un lien entre le génome de l'hôte et son métagénome. Etude d'ordre académique sans intérêt pour la profession.
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Deux lignées de lapins ont été sélectionnées de manière divergente à l'Université de Valence (Espagne) pour augmenter ou diminuer la variabilité environnementale de la taille de la portée à la naissance (Agea et al.). Pour aider à la compréhension : diminuer la variabilité environnementale d'un caractère signifie améliorer l'homogénéité de ce caractère. La diminution de la variabilité de la taille des portées génère des femelles qui semblent plus résistantes et moins sensibles au stress et aux maladies, ce qui constitue un critère de sélection utile pour améliorer la sensibilité environnementale. Les acides gras modulent les fonctions des cellules immunitaires. Les acides gras saturés (AGS) ont un effet inhibiteur sur la prolifération des lymphocytes, les acides gras monoinsaturés (AGMI) exercent un effet protecteur et anti-inflammatoire sur les macrophages, et les acides gras polyinsaturés n-3 (AGPI) affectent la réponse des lymphocytes au moyen de l'IL- 1, IL-2, IL-6, TNF ainsi que la prostaglandine E2 et le leucotriène B4. Le profil des acides gras plasmatiques a été évalué chez 10 femelles de la lignée homogène et 12 femelles de la lignée hétérogène de la 12e génération de sélection. La lignée homogène a montré des niveaux plus élevés d'AGS et d'AGMI que la lignée hétérogène. En outre, cette lignée avait également une quantité plus élevée d'AGPI n-3 et une quantité plus faible d'AGPI n-6 que celle hétérogène. En conclusion, la sélection pour l'homogénéité de la taille de portée à la naissance montre une réponse corrélée avec le profil des acides gras plasmatiques. L'amélioration indirecte de la résilience des lapines par une sélection sur l'homogénéité de la taille de portée semble assez étonnante mais cette étude a le mérite de chercher des explications au niveau des paramètres plasmatiques impactés.
2. Génomique et génétique moléculaire

Les études d'association et de liaisons génétiques ont pour objectif d'identifier des régions chromosomiques (QTL pour Quantitative Trait Loci), impliquées dans l'expression des caractères d'intérêt. Elles reposent sur la mise en évidence statistique d'un lien entre le génotype de certains marqueurs de l'ADN (marqueurs de type SNP - Single-Nucleotide Polyporphism = polymorphisme d'un seul nucléotide), proches de gènes contrôlant les caractères et la valeur phénotypique de ces caractères. Ces résultats permettent de vérifier que certaines régions du génome contrôlent une partie de la variabilité des caractères et que ces caractères pourraient être améliorés par la sélection génomique. Une sélection de type BLUP sans information sur les marqueurs reste toutefois très efficace si les caractères sont héritables.
Trois études portent sur la recherche de QTL. Garreau et al. (France) ont mis en évidence 2 SNP significatifs pour l'indice de consommation et 89 SNP significatifs pour la consommation alimentaire résiduelle, un autre caractère d'efficacité alimentaire. Les 89 SNP significatifs pour la consommation alimentaire résiduelle étaient tous situés sur le chromosome 18 (OCU18), où le gène candidat fonctionnel putatif GOT1 a pu être identifié. Ces résultats laissent entrevoir une possible sélection génomique sur l'efficacité alimentaire, même si cela demande davantage d'investigations. Dans le contexte actuel d'instabilité des prix des matières premières, l'apport de la génomique pourrait être un levier intéressant pour accélérer la sélection sur l'efficacité alimentaire.

Les principales régions génomiques abritant des gènes liés au métabolisme des lipides ont été identifiées dans les chromosomes de lapin (OCU) OCU1, OCU3, OCU8, OCU9, OCU17 et OCU18 par Laghouaouta et al. Sur 475 lapins issus de lignées divergentes sélectionnées sur le taux de gras intramusculaire, les auteurs ont identifié des régions génomiques abritant des gènes liés au métabolisme des lipides dans les chromosomes de lapin (OCU) OCU1, OCU3, OCU8, OCU9, OCU17 et OCU18. Etude non appliquée, qui permet d'accroître notre connaissance sur le génome du lapin.
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Casto-Rebollo et al. (Espagne) ont identifié les régions génomiques modifiées par la sélection sur la variabilité de la taille de portée. Pour cela, les génotypes de 91 lapines de la population de base, 142 de la lignée avec une forte variabilité de la taille de portée et 134 de la lignée avec une faible variabilité de la taille de portée à la génération 11 ont été utilisées. Une analyse de séquençage du génome entier (WGS) a été réalisée sur 54 animaux à la génération 10 pour mettre en évidence les gènes présentant des mutations fonctionnelles. Les auteurs ont identifié 311 gènes candidats présentant une mutation fonctionnelle pertinente. 107 d'entre eux avaient des fonctions liées à la réponse au stress, à la reproduction et au développement embryonnaire, au métabolisme des glucides et des lipides et/ou au système immunitaire. Des mutations fonctionnelles fixées dans l'une des lignées de lapin et absentes dans l'autre ont été identifiées dans les gènes C3orf20, GRN, EPCAM, ENSOCUG00000017494, ENSOCUG00000024926, ENSOCUG00000026560, MYLK, HECA et NMNAT3. Cependant, les implications réelles de ces gènes pour la variabilité de la taille de portée et la résilience animale doivent encore être démontrées. Cela nécessite une analyse fonctionnelle de chacune des mutations voire de l'association de ces mutations.
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La sélection génomique repose sur une méthode d'évaluation génétique basée sur un très grand nombre de marqueurs SNP (plusieurs dizaines ou centaines de milliers). On peut prédire un phénotype (ou plus exactement une Valeur Génomique) sur de jeunes candidats à la sélection pour lesquels on dispose uniquement de l'information de génotypage. En comparaison avec une sélection classique utilisant le BLUP, chez le lapin, il est attendu de la sélection génomique un accroissement du progrès génétique par la meilleure précision de l'évaluation génétique (grâce à l'apport d'information moléculaire à forte densité). Piles et al. (Espagne) ont comparé la précision de la prédiction du gain de poids moyen quotidien (GMQ) à partir de génotypes de type SNP, en utilisant une méthode appelée Support Vector Machine (SVM) et le meilleur modèle de prédiction linéaire sans biais (GBLUP) comme référence. Les meilleures performances de prédiction ont été obtenues avec SVM avec un sous-ensemble de 1000 SNP. Dans ce cas, la valeur de la corrélation entre valeur prédite et valeur vraie était 0,34 avec un intervalle interquartile (IQR) assez élevée de 0,20 pour ce paramètre. Lorsque la prédiction a été effectuée en utilisant GBLUP avec tous les SNP, la valeur de la corrélation entre valeur prédite et valeur vraie était de 0,28 avec un IQR de 0,12. Le sous-ensemble sélectionné de SNP qui ont été identifiés pourrait être potentiellement utilisé dans la sélection pour accélérer le progrès génétique sur le GMQ.
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Deux études ont porté sur le déterminisme de la coloration du lapin. Dans la première étude, Utzeri et al. (Italie) ont caractérisé le gène TYR chez le lapin en séquençant environ 2000 paires de bases englobant toutes les régions codantes et les régions flanquantes (séquences régulatrices) chez un total de 25 lapins de 11 races domestiques (2 lièvre belge, 2 fauve de Bourgogne, 3 californien, 3 Argenté de Champagne, 2 Géants Chinchilla, 1 Géant Gris, 1 Havane, 2 Leprino di Viterbo, 4 Néo-Zélandais Blanc, 2 Argenté et 3 Blanc de Vienne) et 11 autres lapins sauvages chassés en Sardaigne. Les données de séquençage ont identifié un total de 15 mutations. Cinq mutations "faux-sens" avaient déjà été détectées dans d'autres études, dont trois associées à différents phénotypes de couleur de pelage : p.T373K déterminant l'allèle albinos ; p.E294G provoquant l'allèle himalayen et chinchilla ; p.T358I observé uniquement chez les lapins Chinchilla. En plus de sept autres mutations synonymes et d'un polymorphisme dans la région 3'-non traduite (UTR), deux nouvelles mutations "faux-sens" (une identifiée uniquement chez les lapins sauvages) ont été identifiées. Cette étude a en outre contribué à révéler la variabilité du gène TYR dans différentes populations de lapins et a confirmé l'effet de mutations fonctionnelles à ce locus.
Note : En génétique, une mutation faux-sens ou substitution non synonyme est une mutation ponctuelle dans laquelle un nucléotide d'un codon est changé, induisant le changement de l'acide aminé associé. Ceci peut rendre la protéine traduite non fonctionnelle, si les propriétés du nouvel acide aminé sont différentes.

Dans la deuxième étude Demars et al. (France) ont identifié plusieurs SNP significatifs marquant des loci déjà connus pour affecter la couleur du pelage ainsi que dans quelques autres régions chromosomiques non encore décrites pour affecter le phénotype himalayan (Californiens, Petit Russes) chez le lapin (par exemple une région génomique sur le chromosome 14). Ces études permettent d'enrichir nos connaissances sur le déterminisme de la couleur du pelage, sans réelle application pour notre filière du moins pour l'instant.
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Deux autres études de génétique moléculaire ont une portée académique ou exploratoire, leur intérêt est plus scientifique qu'appliqué. Iannucelli et al. (France) proposent de capturer l'exome (la partie du génome correspondant aux gènes qui s'expriment pour la synthèse des protéines) du lapin en utilisant le panel humain commercialisé puisque les génomes humain et lapin sont très proches sur l'arbre phylogénétique des espèces. La qualité de l'hybridation a permis la capture de l'exome du lapin et a permis un ensemble de données de 40 000 variants. Cette méthode présente également une opportunité unique d'étudier à la fois (i) la diversité génétique de différentes races de lapins et (ii) le déterminisme mendélien de phénotypes spécifiques chez les lapins sans avoir recours à des outils personnalisés coûteux.
 

Les micro-ARN sont une catégorie de petits acides ribonucléiques (ARN), non codants pour des protéines. Ils interviennent principalement dans la régulation de l'expression des gènes. Kai et al. (Chine) ont utilisé la technologie de séquençage Illumina pour effectuer le séquençage de micro-ARN sur trois lapins mâles adultes de sept mois, visant à évaluer la qualité du séquençage à haut débit dans l'exploration de données de miARN de testicules de lapin et à explorer les caractéristiques biologiques de miARN dans les tissus des testicules. Les résultats montrent que la qualité, la pureté de l'ARN total et l'intégrité de l'ARN total étaient bonnes, ce qui peut répondre aux exigences de construction d'une petite bibliothèque d'ARN.
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3. Gestion et effets de la consanguinité
 

La consanguinité résulte de l'accouplement d'individus apparentés. La principale conséquence de l'augmentation de la consanguinité est l'augmentation de l'homozygotie, c'est-à-dire l'augmentation de la fréquence des gènes pour lesquels l'allèle reçu du père est identique à celui de la mère. Il en résulte une augmentation de la fréquence de défauts héréditaires récessifs ainsi qu'une dépression de consanguinité qui se traduit par une diminution des performances, en particulier pour les caractères de reproduction et d'adaptation.
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Deux équipes se sont intéressées à l'effet de la consanguinité sur les performances. Piles et al. (Espagne) ont estimé la dépression de consanguinité pour les caractères de croissance et de prolificité dans une population de lapins sélectionnés pour leur GMQ sur 60 générations. Les effets de la consanguinité ancienne, intermédiaire et nouvelle (Fold, Fint, Fnew), ainsi que la consanguinité classique (c'est à dire total cumulé) (F) ont été estimés pour le gain de poids moyen quotidien (GMQ), le poids d'abattage (SW), le nombre de lapereaux nés vivants (NA), le nombre total de lapereaux nés (NT) et le nombre de lapereaux sevrés (NW). Les auteurs ont montré une nette dépression due à la consanguinité pour tous les caractères de croissance et de prolificité (-10 g/j, -506 g, -7,4 lapereaux, -6,2 lapereaux et -6,2 lapereaux pour GMQ, SW, NA, NT et NW, respectivement sur F). L'effet de Fold et Fint était nul alors qu'il était négatif pour Fnew, sur la croissance mais pas sur les caractères de prolificité. Ces résultats suggèrent la possibilité d'une purge par sélection d'allèles récessifs délétères affectant la croissance.

Nagy et al. (Hongrie) ont étudié l'effet de la consanguinité sur la survie des lapereaux à la naissance. La période analysée (1992-2017) a été divisée en deux périodes (1992-1997 et 1997-2017). Au total, 22718 enregistrements de mise bas ont été analysés. Les coefficients de régression estimés pour les coefficients de consanguinité des lapereaux et pour les mères étaient de -0,20±0,27 et -0,41±0,36, et 0,05±0,08 et -0,01±0,09 dans les première et deuxième périodes, respectivement. En raison des grandes erreurs types, les résultats n'étaient pas significatifs.
Ces deux communications étudient les effets délétères de l'augmentation de la consanguinité dans des populations fermées, sélectionnées depuis de nombreuses années. C'est pour cela que des outils sont mis en place chez les sélectionneurs au niveau des lignées pures pour réaliser du progrès génétique tout en contrôlant la consanguinité. De plus, la production d'animaux croisés dans nos schémas de sélection (animaux parentaux et produits terminaux) permet d'annuler les éventuels défauts héréditaires récessifs.
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Herbert et al. (France) ont appliqué une méthode de sélection appelée Optimum Contribution Sélection (OCS). Elle maximise le gain génétique tout en limitant l'augmentation de la consanguinité via une équation d'optimisation. Cette optimisation se fait lors de la sélection des candidats au moment du sevrage et prend en compte leur degré de parenté, leur contribution à la population et leur valeur génétique. Cette méthode semble prometteuse pour augmenter le progrès génétique sous une contrainte d'évolution de consanguinité fixée.
 
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4. Caractérisation et gestion des populations

Mêle Fauvre de Bourgogne

Le congrès mondial de cuniculture est traditionnellement une occasion privilégiée pour décrire des races, des génotypes ou des populations locales, en particulier pour les pays du Sud. Ces résultats, précieux pour les filières locales concernées, apportent un intérêt limité pour les éleveurs français. Ils ne seront donc que brièvement évoqués
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Des races ou populations de France, de Hongrie, du Brésil et du Nigéria ont été décrites. Nous décrirons ici essentiellement la caractérisation du Fauve de Bourgogne (11 mâles et 37 femelles) par Savietto et al (France): Sous un rythme de reproduction de 42 jours, les performances de reproduction étaient faibles. Les taux de fécondité étaient en moyenne de 60 % et la taille des portées à la naissance était en moyenne de 4,3 nouveau-nés. En moyenne, les femelles ont sevré (à 35 jours) 3,4 lapereaux pesant 720 g. En l'absence de supplémentation en antibiotiques, la survie des lapereaux à l'âge de 65 jours atteignait 83% et les animaux en croissance atteignaient 1649 g à cet âge. Cette étude illustre bien que les performances de ces populations sont très éloignées de nos standards de production.
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5. Conclusions
Le rapport de synthèse a présenté des applications concrètes de sélection sur des critères fonctionnels en lien avec les attentes sociétales (longévité de la lapine, résistance aux maladies, homogénéité des poids de naissance et des tailles de portée). Les communications sur la sélection des caractères étaient plutôt portées sur la recherche de facteurs d'évaluation de ces caractères, par exemple par l'étude de paramètres sanguins pour la résistance aux maladies ou encore par l'étude du microbiote pour l'efficacité alimentaire. Une seule communication a fait état de l'amélioration des qualités maternelles avec une approche complémentaire sur l'étude du comportement. On peut souligner par ailleurs l'absence de communication sur la qualité de carcasse, bien représentée lors de l'édition précédente.
La génétique moléculaire et la génomique ont été les thèmes les plus exposés. La majorité des études ont porté sur la recherche de QTL et sur l'étude de mutations pour apporter des éléments de compréhension sur la caractérisation des phénotypes. La plus intéressante pour notre filière est probablement celle de Garreau et al. qui laisse entrevoir des perspectives de sélection génomique sur l'efficacité alimentaire. Toutefois, même si la génomique semble aujourd'hui plus accessible avec notamment la réduction du prix des puces, la technologie semble encore trop onéreuse pour notre filière.
Plusieurs communications ont fait état de la gestion de la consanguinité et de ses dérives, qui restent des points de vigilance au niveau de la sélection des lignées pures.
Enfin, on peut regretter globalement le nombre important de communications académiques, dont les résultats n'ont pas d'application concrète dans nos métiers, mais qui ont toutefois leur place dans ce congrès, le lapin étant un modèle animal pour la recherche expérimentale