17 mars 2022 - Journée d'étude ASFC «Nantes - Ombres & Lumières»
Bilan global du 12ème Congrès Mondial de Cuniculture

par
François LEBAS * et Thierry GIDENNE**

*Ass. Cunicuture, 31450 Corronsac
** Président de la WRSA, INRAE Centre de Toulouse

 
   

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François LEBAS lors de son intervention

Après plusieurs reports de date en raison de la pandémie mondiale de Covid-19, le 12e Congrès mondial de Cuniculture initialement prévu en 2020 s'est tenu au Palais des Congrès de Nantes du 3 au 5 novembre 2021. Le Congrès a été organisé à l'initiative de l'ASFC, principalement par l'INRAE-Toulouse sous la responsabilité scientifique de la World Rabbit Science Association (WRSA).
Compte tenu de la situation sanitaire et pour permettre au plus grand nombre de participer, le congrès a été organisé simultanément en présentiel à Nantes et en distanciel via Internet. Ce congrès a été un franc succès puisqu'au final 315 congressistes s'y sont inscrites : 199 en présentiel et 116 en distanciel, sachant que pour la partie distanciel, un plus grand nombre de personnes a très probablement suivi tout ou partie du congrès à distance, chiffre impossible à estimer

Au Palais des Congrès de Nantes, le Congrès a bénéficié de 3 salles d'une capacité de 450, 200 et 80 personnes, parfaites pour les différentes sessions, et d'un grand espace d'accueil, où ont été organisés les inscriptions , les discussions en tête à tête, les pauses café, les repas, et l'événement de réception, le tout dans une ambiance conviviale et sécurisée. D'autre part, la ville de Nantes a également offert aux participants tous ses charmes de ville historique et touristique.

Nous n'allons pas faire ici une analyse détaillée des apports scientifiques du congrès, les exposés suivants de cette journée " Ombres et Lumières " sont prévus pour cela. Mais nous allons donner un note d'ambiance générale pour rendre compte des points marquants de ces 3 journées pendant lesquelles ont été présentés 8 rapports invités, 184 communications courtes et durant lesquelles se sont tenues 5 tables rondes. Compte tenu de la participation en présentiel/distanciel, 100 communications courtes ont été effectivement présentées oralement en séance tandis que 84 ont été présentées en ligne au cours des séances concernées.

LES TROIS JOURS de CONGRÈS
  a/ Mercredi 3 novembre 2021

Le mercredi 3 novembre, après la cérémonie d'ouverture présentée pas les organisateurs du Congrès et l'intervention classique des différentes instances de l'INRAE, du Ministère de l'Agriculture et de la ville de Nantes, le congrès a débuté avec l'exposé des trois premiers intervenants invités.

Le premier exposé portait sur la maladie virale hémorragique (RHDV-2), présenté par Lorenzo Capucci de l'Institut zooprophylactique expérimental de Lombardie (Italie). Il a fait le point sur l'évolution du RHDV-2 dix ans après son apparition. Dans sa présentation, il a souligné que les apparitions des maladies virales dues l'EBHSV, au RHDV puis au RHDV-2, en quelques décennies ne peuvent être considérées comme des événements aléatoires isolés, et que l'apparition de nouveaux lagovirus pathogènes est à prévoir, et qu'un niveau de vigilance élevée doit donc être maintenu.
Le deuxième exposé invité a porté sur les défis de l'alimentation des lapines. Il a été présenté par Javier Garcia de l'Université Polytechnique de Madrid et Juan José Pascual de l'Université Polytechnique de Valence (Espagne). Ils ont mis en évidence la nécessité pour les lapines d'avoir atteint une maturité adéquate au premier accouplement (ou première insémination) Ils ont souligné l'importance dans l'alimentation des niveaux d'acides gras -3, de fibres solubles et de certains acides aminés pour améliorer les paramètres de reproduction.
Ensuite, Gabriela González-Mariscal de l'Université autonome de Tlaxcala (Mexique) a parlé de l'implication de la neurobiologie dans la reproduction des lapines. Elle a passé en revue des aspects tels que la biostimulation pour faire entrer les lapines en œstrus, le comportement de la lapine pour l'allaitement de ses lapereaux et le réflexe d'ovulation. Elle a souligné l'importance de prendre en compte ces caractéristiques physiologiques lors de l'élaboration de meilleures procédures de conduite des animaux dans les élevages.

Ensuite, la première session de communications orales a eu lieu simultanément dans 3 salles sur la nutrition & l'alimentation, la pathologie & l'hygiène, et la biologie & la physiologie. Les intervenants de 8 pays ont ainsi présenté 17 communications courtes.

La session de l'après-midi a commencé dans l'espace d'accueil par la première session de posters sur la nutrition & l'alimentation, la pathologie & l'hygiène, et la biologie & la physiologie. Les posters n'ont pas été présentés sous forme d'affiches de papier, mais avant la séance ils ont été présentés sur écran avec un défilement automatique en boucle sur trois écrans dans le hall d'accueil. Au cours des session de posters proprement dites, le modérateur de chaque session a géré le défilement et a invité chaque auteur à présenter brièvement son travail à côté desdits écrans et à répondre aux questions des participants réunis en petits groupes devant les écrans.

Cette session de poster a été suivies par la deuxième session de communications orales courtes sur la nutrition & l'alimentation, la pathologie & l'hygiène, et la biologie & la physiologie, où des intervenants de 7 pays ont présenté 15 communications.

Pour clôturer cette première journée, 3 tables rondes se sont déroulées en parallèle. La première portait sur l'élevage des lapins à l'ère post-antibiotique, un défi qui peut et doit être gagné. Elle était animé par Joan Rosell (Espagne) et Samuel Boucher (France). Dans la seconde table ronde, Luc Maertens (Belgique) a animé la discussion sur le logement des lapins. Les nouveaux systèmes de logement possibles ont été discutés en fonction des nouvelles réglementations et des demandes sociales. L'assistance importante à ces deux tables rondes a confirmé l'énorme préoccupation du secteur face à ces deux défis, et la nécessité de développer des connaissances scientifiques qui permettent de les affronter en tenant compte de la durabilité économique. Enfin, Thierry Gidenne (France) et Saidu Oseni (Nigéria) ont animé une table ronde sur l'utilisation du lapin comme outil de création de richesse dans les pays en voie de développement.

  b/ Jeudi 4 novenbre 2021
 

La deuxième journée du congrès a débuté par la présentation dans l'amphithéâtre principal de trois rapports invités. Le premier a été présenté par Heiko Rödel de l'Université de la Sorbonne à Paris (France) sur les aspects sociaux du comportement et de la reproduction du lapin de garenne en semi liberté (suivis dans un grand enclos de 2 ha) et sur les implications pour l'élevage des lapins domestiques. Il a souligné les comportements particuliers des femelles reproductrices vivant en société, par exemple les interactions antagonistes augmentent lorsque le groupe est plus important, et les dominants ont une productivité plus élevée La productivité du groupe diminue avec l'augmentation de la densité. Il a montré l'importance de l'utilisation des sœurs lors de la constitution des groupes de reproduction.
Ensuite, Simona Mattioli de l'Université de Pérouse (Italie) nous a parlé de la physiologie de la lapine reproductrice et des facteurs qui modulent l'ovulation dans la gestion de la reproduction, décrivant des alternatives à l'utilisation des analogues de la GnRH, comme le b-NGF, et du besoin d'alternatives aux injections d'hormones exogènes.
Après ces 2 rapports invités d'est tenue par la troisième session de communications orales dans 3 salles séparées sur la génétique, l'éthologie & le bien-être, et sur la reproduction. Les intervenants de 6 pays y ont présenté 16 communications courtes

Après une pause café, la troisième communication invitée de la journée a été présentée par Frédéric Leroy de l'Université de Bruxelles (Belgique) et portait sur la consommation et la commercialisation de la viande de lapin. La viande de lapin, bien qu'elle soit une viande durable, saine, riche en nutriments et sans restriction religieuse marquée, se trouve à la croisée des chemins en raison de problèmes émotionnels (lapin de compagnie) ou d'une faible tradition gastronomique dans les zones urbaines.

Pour terminer la matinée, s'est déroulée la quatrième session des communications orales ont été présentées sur la pathologie & l'hygiène, l'éthologie & le bien-être, et la qualité des produits Les intervenants de 6 pays ont présenté 16 communications courtes.

L'après-midi de cette deuxième journée s'est tenue la deuxième session de posters consacrée à l'éthologie & le bien-être, la reproduction et la qualité des produits. Elle s'est tenue avec le même système que la veille. Puis la cinquième session de communications orales a eu lieu, simultanément dans 3 salles, sur la nutrition & alimentation, biologie & physiologie et qualité des produits, où des conférenciers de 4 pays ont présenté 16 communications courtes.

Pour clôturer la journée du jeudi, l'assemblée générale de la WRSA (1 à 3 délégués par branche) et les 4ème et 5ème tables rondes se sont déroulées simultanément. Lors de l'Assemblée générale, il a été rendu compte de la situation financière de la WRSA, de l'évolution du magazine WRS, des activités dans les pays en développement

Elle a accueilli deux nouvelles branches : La Malaisie et les Philippines et a nommé le nouveau comité exécutif de la WRSA pour les 3 années suivant le Congrès (2021-2024). Le nouveau bureau de la WRSA (executive committee) est composé de J.J Pascual, Espagne (président), Y.E. Felippe-Pérez, Mexique, Y. Qin, Chine, M Pascual Espagne (vice-présidents), A. Trocino, Italie (Trésorière), T. Gidenne, France (Secrétaire général) et S. Oseni, Nigéria (Secrétaire pour les PVD). D'autre part, il a été décidé que le prochain congrès mondial devrait se tenir en 2026 en Catalogne, co-organisé par l'IRTA et l'ASESCU, et dont la candidature a été présentée par Mariam Pascual à ladite assemblée.

La quatrième table ronde a été modérée par Karel De Greef et Jorine Rommer de l'Université de Wageningen (Pays Bas) et a traité de la saisie des carcasses de lapins à l'abattatoir, de ses principales causes et des opportunités pour tenter de les réduire. La cinquième table ronde, à nouveau modérée par Samuel Boucher et Joan Rosell, (comme la 1ère table ronde) a porté sur la prise en charge de la coccidiose dans les élevages et les alternatives aux coccidiostatiques classiques.

Jeudi soir, les congressistes ont pu profiter du Dîner de Gala qui s'est tenu au Château de la Poterie, lieu au charme particulier en bord de Loire, auquel les participants se sont rendus en bateau sur la Loire, tout en dégustant un cocktail. Soirée de conversation, bonne nourriture et bon vin, avec un orchestre pour la musique d'ambiance.

  c/ Vendredi 5 novembre 2021
  Le vendredi 5 novembre était le dernier jour du congrès. Il a commencé avec deux conférences invités. La première a été présentée par Mélanie Gunia de l'INRAE-Toulouse (France), Mª Luz García et Mª José Argente de l'Université Miguel Hernández (Espagne) sur les facteurs génétiques des caractères fonctionnels chez le Lapin. Elles ont présenté des programmes de sélection basés sur la longévité des lapines, la robustesse, la résistance aux maladies et la variabilité de taille de portée, ainsi que de nouveaux outils génomiques, tous visant à obtenir des animaux plus résistants. Ensuite, Laping Wu de l'Université Qinghua East (Chine) a fait une présentation sur le commerce de la viande de lapin dans les principaux pays producteurs du monde et la stratégie commerciale. Il a insisté sur le rôle du commerce entre états voisins et l'intérêt qu'il y a dans chaque pays à développer la consommation de cette viande saine, en particulier dans la tranche d'âge des jeunes consommateurs.

Après ces communications invitées se sont tenues deux fois trois sessions simultanées de communications orales sur l'économie, la reproduction, la biologie & la physiologie, la nutrition, la génétique, la pathologie & l'hygiène, et une session consacrée aux sujets libres. Les intervenants de 11 pays y ont présenté 48 communications courtes.
Ensuite s'en tenue une nouvelle session de posters dans le domaine de la génétique & de l'économie et des systèmes de production. Elle s'est déroulée dans les même conditions que les sessions de poster précédentes.

Le congrès s'est terminé par la cérémonie de clôture et de remise des prix aux jeunes chercheurs Lors de cette cérémonie, ont également été remerciés les organisateurs, les conférenciers invités, les animateurs des tables rondes et les membres du comité WRSA. La passation de pouvoir à l'Espagne a été faite pour l'organisation du prochain congrès en Catalogne en 2024.

 

2 - COMMUNICATION et TABLES RONDES

 


Graphique 1
Nombre de communications courtes selon le pays d'appartenance des équipes ayant signé ou cosigné les communications courtes


Le 12e Congrès mondial a été l'occasion de réunir 245 communications acceptées par le comité scientifique. En plus des 8 communications invitées 187 communications courtes présentées à Nantes correspondent à des congressistes effectivement inscrits au Congrès et 50 autres à des congressistes potentiels dont la contribution a été acceptée mais qui pour diverses raisons n'ont pas pu s'inscrire au congrès (reports successifs, finances, etc ….). L'ensemble des 245 communications est disponible sur le site de la WRSA : texte complet en anglais + éventuellement diapositives de présentation de la communication et video de cette présentation. ainsi que les rapports introductifs et les vidéos de chacune des 5 tables rondes. A l'attention des personnes francophones préférant lire la langue de Molière plutôt que celle de Shakespeare un résumé français des 187+8 communications retenues pour la Congrès lui-même a été publié sur le site de Cuniculture.info .
Pour cette journée " Ombres & Lumière " nous avons identifié le pays d'origine de toutes les communications courtes. Le nombre de contributions des différents pays figure sur le graphique 1 ci-contre. Le pays d'origine de l'auteur signant une communication en premier est mentionné en vert foncé, tandis que si des auteurs cosignataires de la même communication appartiennent à un autre pays, celui-ci est marqué en vert clair. Seule une communication (1er auteur français) a été signée par des équipes de 3 pays
Compte tenu du mode choisi pour le décompte total des pays signataires de communications le total dépasse le nombre de communications.
  Dans l'ensemble, les communications ont été signées ou cosignées par des chercheurs publics ou privés travaillant dans 29 pays différents (33 en 2016 et 30 en 2012). Les communications cunicoles française sont de loin les plus nombreuses avec 25% du total, puis en seconde position vient l'Espagne avec 14% , puis l'Italie avec 11,4% et la Chine avec 10,5%. En 2016, la Chine, pays organisateur du Congrès, venait en tête avec 32% des communications suivie de la France qui en avant proposé 18% . Il convient de signaler que pris ensemble ces 4 premiers pays ont produit 61% de toutes les communications courtes.
Enfin, il faut remarquer que 12,7% des communications sont signées par des équipes de 2 pays, la France et l'Italie venant en tête des équipes ayant accepté de travailler avec celles d'autres pays.

Pour faciliter leur présentation pendant et après le congrès, les communications ont été regroupées en 9 sessions réunissant un nombre inégal de communications (tableau 1)

 
Tableau 1 : Les 9 sessions et le nombre de communications correspondant
 

Parfois l'affectation d'une communication à une session plutôt qu'à une autre a été difficile pour le comté d'organisation : par exemple une communication traitant de l'influence d'une matière première sur la croissance et la qualité de la viande devait-elle être mise dans la session Nutrition & Alimentation ou dans la session Quantité des produits ? Des choix ont été faits mais ils ne donnent qu'une idée approximative du nombre de communications dans chacun des domaines. Quoi qu'il en soit, on doit remarquer que 2 domaines ont réuni un nombre important de communications, la Nutrition et la Pathologie avec plus de 40 communications chacun. Ces travaux des chercheurs correspondent effectivement à 2 grandes préoccupations de la filière : l'importance de l'alimentation dans le prix de revient des lapins produits et la difficulté à bien contrôler la santé des animaux.

Les 5 Tables roudes

1 - Elevage des lapins à l'ère post-antibiotique, un défi qui peut et doit être gagné. Animateurs : J.M. Rosell (Espagne) et S. Boucher (France)
2 - L'élevage des lapins - de nouveaux systèmes d'élevage compte tenu de la réglementation et de la demande sociale ? Animateur : L. Maertens (Belgique)
3 - Utilisation du lapin comme outil de création de richesse dans les pays en voie de développement. Animateurs : T. Gidenne (France) et S. Oseni (Nigéria)
4 - Saisies des carcasses de lapins à l’abattoir, leur principales causes et opportunités pour tenter de les réduire Animatrices : K. De Greef et J. Rommers (Pays Bas)
5 - Prise en charge de la coccidiose dans les élevages et les alternatives aux coccidiostatiques classiques Animateurs : J.M. Rosell (Espagne) et S. Boucher (France)

Les textes de présentation des différentes tables rondes sont disponibles (en anglais) sur le site de la WRSA au format *.pdf comme iindiqué plus haut, de même que les enregistrement vidéos des échanges pendant ces tables rondes (en anglais aussi)

3 - CONCLUSIONS
  En conclusion, ce Congrès a été une belle réussite malgré les conditions difficiles qui ont présidé à son organisation. On doit remercier chaleureusement tous les organisateurs qui ont dû surmonter d'inévitables périodes de découragement. Malgré les difficultés, celles des organisateurs comme celles rencontrées par les congressistes, ce Congrès a su réunir 245 communications au total, juste derrière le congrès de Vérone en 2008 qui en avait réuni 283 mais devant ceux de Qindao en 2016 (223 com.), de Puebla en 2004 (223 com.), de Valence en 2000 (224 com.) ou de Sharm El-Sheikh en 2012 (198 communications) Ainsi malgré des conditions peu favorables au soutien des recherches animales au plan mondial, on doit souligner que le secteur cunicole international arrive à bien maintenir son activité de recherches et d'innovations, année après année.