31 janvier 2017 - Journée d'étude ASFC «Qingdao -Ombres & Lumières»
Session pathologie
Apports du 11e Congrès Mondial de Cuniculture, Qingdao, Chine

par

Samuel BOUCHER*, Bernadette LE NORMAND**,
Dominique LICOIS***, Sylvie COMBES****

*Labovet Conseil, Les Herbiers (85)
** VeLVet, St Brice en Cogles (35)
*** Retraité INRA, St Laurent-en-Gâtines (37)
****INRA, GenPhySE (NED), Castanet-Tolosan (31)

 

1. GENERALITES
D. Licois, S. Bouche et B. Le Normand lors de leur exposé

Le thème dominant les 32 publications présentées (dont 2 synthèses) lors de la session pathologie est le parasitisme, avec 10 publications sur les coccidies et la coccidiose, et 5 publications sur d'autres parasites (digestifs ou cutanés). Le deuxième sujet majeur est la maladie hémorragique virale (VHD) avec 6 publications et l'organisation d'une table ronde.

La Chine a fourni 42% des publications ; le deuxième pays contributeur est la France (19%).

 

2. COCCIDIES ET COCCIDIOSES
  Dix papiers relatifs à ce thème ont été présenté lors du congrès, soit pratiquement un tiers de l'ensemble des communications de la session pathologie, la majeure partie émanant de la Chine ; logique, la Chine était le pays organisateur du congrès, mais cela souligne probablement aussi l'importance des coccidies et des coccidioses pour ce pays ou tout du moins l'importance que les chinois leur accordent avec une volonté majoritairement orientée vers la vaccination. En effet, 7 communications y ont été consacrées.
 
  2.1. Les coccidies dans le rapport de synthèse
  L'un des deux rapports invités a été consacré à une synthèse associant Coocidiose et VHD et avait pour titre : Control of rabbit coccidiosis and rabbit haemorrhagic disease: impact of recombinant DNA technology (Suo et al., National Animal Protozoa Laboratory & College of Veterinary Medicine, China Agricultural University, Beijing 100193, China)

Après avoir présenté des données générales sur les coccidies du lapin (cycle, espèces, signes cliniques et lésionnels...) et sur les coccidioses (pathogénicité, immunogénicité) et leur traitement par les anticoccidiens, Xun Suo a plus largement développé les aspects de vaccination, en commençant par l'utilisation comme vaccin, de souches sauvages ou précoces vis-à-vis des coccidioses du lapin.

En effet, longtemps la vaccination anticoccidienne n'a pu être abordée que sous l'angle de vaccins vivants car il n'était pas possible pour les Eimeria de vacciner avec des parasites inactivés (chaleur, formol...) ou par des fractions parasitaires. C'est dans ce cadre qu'ont été développées, d'abord chez les volailles, puis chez le lapin, des souches précoces dont la pathogénicité était fortement atténuée alors que leurs propriétés immunogènes étaient conservées. Pour le poulet, plusieurs vaccins de ce type ont pu être commercialisés (Paracox®, Livacox®...). Malheureusement chez le lapin, bien que des souches précoces aient été obtenues concernant la plupart des espèces d'Eimeria (travaux de Licois et al. ou Pakandl, dans les années 1990), aucun vaccin commercial n'a vu le jour (faute de développement en raison d'un marché mondial trop faible). La Chine, avec sa production cunicole nationale qui est maintenant la première productrice mondiale, va peut-être changer la donne. Les Chinois ont su s'associer avec des chercheurs de renommée internationale en matière de coccidies, même si c'est chez le poulet, et plusieurs articles sont déjà publiés dans de très bonnes revues.
Depuis le début des années 2000, grâce au développement de la biologie moléculaire qui est en constante évolution, à la fois au plan des matériels et équipements, qu'au plan des techniques en génie génétique, de nouvelles stratégies se sont développées avec notamment le recours aux antigènes recombinants pour les vaccins et particulièrement ici pour les vaccins antiparasitaires. Rappelons que l'on distingue actuellement plusieurs types de vaccins : vivants atténués, vaccins inactivés, antigènes vaccinaux purifiés (sous-unités d'agents infectieux et anatoxines), ADN nu, vecteurs bactériens ou viraux...

Xun Suo a donc présenté l'état des recherches menées sur les possibilités de vaccination à l'aide d'antigènes recombinants, avec là aussi beaucoup de références aux recherches en aviaire dans ce domaine. Il faut savoir que le génome d'E. tenella a été séquencé (60Mb - 14 chromosomes de 1 Mb à > 6 Mb). Grâce à cette avancée, il devenait alors possible d'identifier des antigènes parasitaires pouvant entrer comme composants dans le développement de vaccins à sous-unités (Shirley et al., 2005). Cependant seul le CoxAbic®, un vaccin aviaire à sous-unité est commercialisé avec succès pour le moment (Wallach et al., 2008).

 

  2.2. - Vaccins contre les coccidioses du lapin
  Plusieurs étudiants du laboratoire de Xun Suo ont présenté leurs travaux relatifs à l'obtention de vaccins potentiels dirigés contre les coccidies et correspondant à certains types de vaccins cités ci-dessus.

Le travail de Wang et al., rapporte l'utilisation de vaccins vivants (non atténués) concernant 3 espèces de coccidies (Eimeria intestinalis, E. magna et E. media) administrées en mono-espèce ou en co-infection (les 3 espèces). Les résultats obtenus ne sont pas nouveaux et sont similaires à ceux obtenus dans le laboratoire de l'Inra. Un élément intéressant (bien que cela ne soit pas précisé dans ce papier) est que le laboratoire chinois a isolé une souche d'E. intestinalis de terrain, qui serait peu pathogène.

Les communications de Gu et al., et de Li et al., sont dévolues à l'obtention de souches précoces concernant respectivement E. media et E. intestinalis. Il s'agit d'un copier-coller de ce qui a été fait dans les années 1990 (Licois et al., 1990, 1994, 1995). Toutefois, les différences sont 1-/ que les souches sauvages initiales proviennent de Chine, 2-/ que pour E. intestinalis, il ne semblerait pas y avoir de modification morphologique au niveau de l'oocyste sporulé (absence de gros globule réfringent) alors que pour toutes les souches précoces obtenues par nous-même ou par Pakandl, il y cette modification (celle-ci n'existe pas non plus pour les souches précoces aviaires). Les auteurs démontrent que les souches précoces, même administrées à doses élevées, sont peu ou pas pathogènes mais qu'elles protègent les lapins vis-à-vis d'une inoculation d'épreuve avec les souches sauvages dont elles dérivent.

 

Figure 1 : Multiplication in vivo par sélection des premiers oocystes et passage successifs chez l'animal

Lignée transgénique d’Eimeria magna exprimant des gènes marqueurs : une protéine fluorescente jaune => marquage du noyau, et une protéine fluorescente rouge => marquage du cytoplasme

 

Trois autres communications abordent la possibilité de vaccination avec des antigènes recombinants. Mais pour chacune, il s'agit d'une approche préliminaire car la plupart des travaux présentés constituent plutôt des mises au point méthodologiques pour construire des souches transgéniques par ingénierie génétique, que de véritables essais de vaccination.

Tao et al., .ont utilisé E. magna et se sont intéressés à une protéine, la "profiline" (déjà identifiée chez E. tenella et E. acervulina), qui joue un rôle dans l'invasion de la cellule hôte et de la migration du parasite jusqu'à son site de développement chez les apicomplexes (Toxoplasma gondii, Neospora caninum, Eimeria spp...). La séquence génomique codante pour la profiline a d'abord été identifiée chez E. magna, puis clonée et enfin son expression révélée au niveau postérieur du cytoplasme et au niveau membranaire des sporozoites d'E. magna.
Les mêmes auteurs, Tao et al., ont construit par transfection (électroporation des sporozoites) et en utilisant des séquences régulatrices de E. tenella et Toxoplasma gondii, une lignée transgénique de E. magna exprimant des gènes marqueurs : une protéine fluorescente jaune et une protéine fluorescente rouge. Ces marqueurs fluorescents ont permis de vérifier qu'ils étaient exprimés durant toutes les étapes du cycle parasitaire (lors de la gamogonie, de la sporogonie et des différentes schizogonies).

Enfin, Shi et al., utilisant la même technologie que Tao et al, mais avec un seul marqueur fluorescent et chez E. intestinalis, obtiennent des résultats similaires concernant l'expression du gène marqueur, tout au long du cycle du parasite. De plus des essais in vivo montrent que la souche transfectée se multiplie moins et est moins virulente que la souche sauvage mais qu'elle reste très immunogène (protège les animaux vis-à-vis d'une inoculation d'épreuve avec la souche sauvage).

 

Toutes ces approches démontrent qu'il est possible de transfecter des sporozoites et d'obtenir des lignées de coccidies susceptibles d'exprimer des gènes d'intérêt dans le cadre d'une vaccination ou d'être utilisée en tant que telles comme vaccin. Cependant, comme le souligne Xuo dans son rapport introductif, un long chemin reste à parcourir avant d'obtenir des vaccins recombinants commercialisables, car de nombreuses questions restent en suspens : quels sont les antigènes et combien seront nécessaires pour induire une immunité protectrice contre plusieurs espèces sur le terrain ? Quelle est la meilleure voie d'administration ? Comment faire en sorte que l'expression de l'antigène exogène soit suffisante pour induire des réponses immunitaires protectrices, tant quantitatives que qualitatives ? Quelle réponse faut-il privilégier (humorale, cellulaire, muqueuse ?), etc...

 

  2.3.- Etude d'anti-coccidien
 

Reste que pour le moment, le meilleur moyen de lutter contre les coccidioses du lapin repose sur l'utilisation des anticoccidiens.
C'est dans ce sens que Li et al., ont étudié l'action thérapeutique et prophylactique du Ponazuril, une triazine dérivée du toltrazuril, un anticoccidien de synthèse. Les effets sur l'excrétion oocystale et sur les performances zootechniques ont été mesurés après inoculation expérimentale (vis-à-vis de 5 espèces (E. flavescens, E. intestinalis, E. magna, E. perforans and E. stiedai) (à 10 et 20 mg/kg, en préventif et à 15 et 30 mg/kg, en curatif, ou en essai terrain (0, 10, 30 and 60 mg/kg). Selon les auteurs, le Ponazuril s'avère globalement efficace dans la gamme 10-30 mg/kg, en réduisant l'excrétion d'oocystes et en maintenant le GMQ à un bon niveau (en préventif ou curatif). A 60 mg/kg, des problèmes d'appétence ont été observés (gaspillage d'aliment) et l'indice de consommation augmente nettement.

 

 

2.4. - Coocidies présentes dans les élevages
La Communication de Kimsé et al. fait un état des lieux sur les différentes espèces d'Eimeria identifiées en Côte d'Ivoire et leur fréquence, chez des lapins en croissance ou en reproduction. Les données ont été obtenues à partir de près de 1000 lapins provenant de 18 élevages Les 11 espèces de coccidies décrites chez le lapin ont été retrouvées dans ces élevages, le plus souvent par association de 3 espèces chez les lapins. Mais globalement cette communication n'apporte pas d'éléments originaux.

Pas plus d'ailleurs que celle de Yang et al., qui ont aussi déterminé les espèces de coccidies et leur fréquence dans une région montagneuse de Chine, dénommée la Réserve des Trois Gorges. Selon les auteurs, avec près de 45 millions de lapins élevés, l'élevage cunicole est devenu, depuis 1993, la plus importante activité économique agricole de cette région. Plus de 3000 échantillons provenant de 213 fermes ont été analysés. E. irresidua est l'espèce la plus représentée (> 42%). Personnellement, j'émettrais un certain doute sur l'identification précise des espèces dans la mesure où les auteurs font mention de l'existence d'E. neoleporis. Or cette coccidie est une coccidie de Sylvilagus floridanus (Cottontail Rabbit américain) et n'existe pas chez Orygtolagus cuniculus. Morphologiquement, E. neoleporis ressemble à E. coecicola

 

3. AUTRES PARASITES
 

3.1. - Nématodes
Une première étude française d'H. Legendre et al. s'intéresse aux propriétés du sainfoin sur des nématodes parasites digestifs du lapin (Trichostrongylus colubriformis). Le sainfoin est incorporé à hauteur de 40% dans l'aliment en substitution de la luzerne : l'addition de sainfoin ne modifie pas l'excrétion des œufs mais diminue leur faculté d'éclosion. Ce phénomène est attribué aux tanins du végétal.

Cette étude confirme d'autres observations que nous avons pu faire avec des effets intéressants de certains extraits végétaux sur les parasites. Il convient de rappeler les recommandations de l'Agence du Médicament Vétérinaire sur le respect de la législation : les produits à base de plantes, quand ils sont présentés comme ayant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies, sont classés dans la catégorie des médicaments. Pour les matières premières et aliments composés, les allégations relatives aux propriétés de prévention, de traitement ou de guérison faisant que le produit répond à la définition du médicament ne sont pas autorisées.

 

 

3.2. - Oxyures
Une deuxième étude française de B. Le Normand et al., montre l'intérêt de l'utilisation du kit Mini-Flotac© développé par le Pr Cringoli pour la parasitologie dans les pays en voie de développement. Ce kit très rapide permet un suivi de l'excrétion des œufs de parasites en élevage (Passalurus ambiguus, oxyures). Afin de déterminer si un élevage est infesté, des prélèvements restreints aux nullipares de plus 15 semaines et aux primipares sont les plus sensibles.

Les oxyures sont des facteurs de baisse immunitaire chez les animaux infestés et peuvent entraîner une irrégularité de fertilité chez les lapines reproductrices. Leur maîtrise revêt une importance particulière pour améliorer la productivité d'un élevage et la défense contre les maladies.

 

 

3.3. - Teigne
Une étude chinoise sur la teigne due à Microsporum canis a été conduite par Chenwen et al. . Les auteurs ont testé des extraits alcooliques d'écorce de Phellodendron amurense (arbre à liège de l'Amour) et de graines de Cochinchina (plantes utilisées dans la médecine chinoise ; Cochinchina mormodica en particulier est utilisée sur les dermatophytoses humaines en Chine) in vitro puis in vivo. Les tests en laboratoire démontrent un arrêt du développement du champignon et les doses nécessaire sont comparées au clotrimazole (dérivé imidazolé à propriétés antifongiques reconnues) : la combinaison des 2 plantes produit un effet jugé comparable à celui du clotrimazole et l'analyse en microscopie électronique montre une atteinte de la membrane des spores, des noyaux et des organites du champignon. Les expérimentations cliniques montrent que le clotrimazole est nettement plus efficace que le mélange de ces 2 plantes, même si son effet est un peu plus tardif. Le mécanisme d'action de ces extraits de plantes n'est pas encore éclairci.
Ces 2 plantes ont des effets métaboliques décrits dans la littérature (notamment sur la multiplication cellulaire).

 

4 . - La VHD
 

4.1. - Les variants du virus dans les différents pays
Une table ronde sur la VHD a été organisée durant Le Congrès Mondial de Qingdao. Chaque pays a présenté l'avancée du virus variant dans son pays. On se rend compte que le Portugal, l'Espagne, la France, la Sardaigne voient leur territoire colonisé quasi exclusivement par le RHDV2 au détriment du RHDV classique. Les italiens, en outre, nous ont fait part de contamination de lièvres (
Lepus corsicanus ou Lepus capensis) par le RHDV2. La France, l'Italie et l'Espagne ont confirmé la contamination du lièvre brun européen (Lepus europeus) par ce même virus. Tous les pays présents à cette table ronde ont exprimé leur crainte face au développement de l'épizootie. La plupart ont désormais des vaccins propres à leur pays ou importés.

Dans un article publié à ce Congrès Mondial, la Chine fait part de l'isolement d'un nouveau variant de RHDV classique du groupe G2 sur son territoire. Huit isolats viraux collectés dans 6 provinces chinoises différentes entre 2009 et 2014 ont été analysés. Sept des virus font partie du génogroupe 6 (RHDVa) qui est le génogroupe majoritaire en Chine. La huitième souche fait quant à elle partie du groupe 2 (RHDV) originel. Les auteurs concluent que les virus du génogroupe 6 n'ont pas complètement remplacé les virus du génogroupe 2 originels. Ils pensent à une coévolution des groupes viraux sur leur territoire actuellement.

L'Italie, dans un autre article, mentionne la présence de RHDV2 sur son territoire, tant dans la faune sauvage que chez le lapin domestique. L'étude de 13 cas situés dans le Sud du pays a montré que les virus RHDV et RHDVa côtoyaient encore le virus variant RHDV2, entre mars 2013 et mai 2015, dans des élevages rationnels ou des élevages fermiers.

 

 

4.2. - Vaccination contre la VHD
Concernant la vaccination contre la maladie hémorragique virale, deux papiers proviennent d'un laboratoire producteur de vaccin espagnol, un autre d'une collaboration de divers instituts en Chine. Le premier texte fait état de l'efficacité et de l'innocuité d'un vaccin inactivé dirigé contre le virus RHDV2. Le producteur qui détient aussi un vaccin dirigé contre le RHDV classique explique que le taux d'immunité croisée étant extrêmement faible, il était nécessaire de disposer de vaccins dirigés contre le RHDV2. L'expérience a consisté à vacciner 60 lapins de 28 jours, répartis en 3 groupes de 20 sujets, avec, soit un vaccin classique et variant bivalent, soit un vaccin RHDV2 monovalent, soit du PBS, puis de les inoculer, 7 jours après vaccination, avec du virus RHDV2. Aucun signe clinique ou lésion au point d'injection n'a pu être relevé avant ou après vaccination sur les sujets vaccinés. Des prises de sang ont été réalisées juste avant et 7 jours après vaccination pour doser les anticorps contre RHDV2 par une méthode ELISA. Aucun lapin vacciné n'est mort à l'issue du challenge vaccinal. 63% des lapins non vaccinés (soit 12 lapins) sont morts. Tous les lapins vaccinés ont présenté une séroconversion en produisant des anticorps anti-RHDV2, 7 jours après l'épreuve. Les auteurs concluent que les deux types de vaccination contre la VHD à RHDV2 sont identiques en termes d'efficacité de protection contre le RHDV2 ou d'innocuité et qu'il n'y a pas d'interaction entre les 2 types de vaccination.

Un autre article provenant du même laboratoire producteur de vaccin fait un rappel sur l'épisode de VHD à RHDV2 qui a émergé en Espagne en 2011, rappelant qu'à cette époque co-circulaient les virus RHDV classique et RHDV2. Au final, sur 104 exploitations situées sur 17 provinces, 65 cas ont pu être attribués à la forme variante 2010 de la maladie. La mise en place d'un plan de surveillance par le gouvernement et d'un plan de vaccination anti-RHDV2 par l'Agence espagnole du Médicament ont eu lieu pour contrôler l'épizootie espagnole. Le travail présenté compare deux périodes, avant et après vaccination des élevages (octobre 2013 juillet 2014 puis juillet 2014/ août 2015) et il montre une corrélation entre le nombre de cas et le programme de vaccination anti-RHDV2. Sur toute la période d'enregistrement, 48,51% des échantillons collectés en élevage ont été positifs alors qu'après vaccination, cette valeur tombe à 44,07%. Les auteurs montrent aussi que les virus RHDV2 français et italiens sont plus proches entre eux qu'ils ne le sont des virus RHDV2 espagnols ou portugais à une souche d'exception près.

Un article chinois fait état de vaccins dirigés contre la maladie hémorragique virale à l'aide d'une technique utilisant l'ADN recombinant. Les auteurs rappellent le peu d'immunité croisée conférée par une vaccination avec un vaccin contre un RHDV classique face à une VHD à RHDV2. En outre, le fait de ne pas pouvoir cultiver les virus RHDV sur des tissus cellulaires en laboratoire oblige traditionnellement à développer des vaccins issus d'animaux expérimentalement infectés. La technologie de l'ADN recombinant peut être utilisée pour la fabrication de vaccins anti VHD. Ainsi, la protéine de capside VP60 à elle seule peut permettre d'induire une protection contre la maladie. La VP60 peut se polymériser par exemple avec le VLPs (virus like particles), formant alors un nouveau vaccin ne contenant pas de matériel génétique viral. Ce second type de vaccination offre une bonne immunité et une bonne innocuité. Les auteurs rapportent aussi l'utilisation, en France puis dans les autres pays, de virus recombinants comme celui de la myxomatose pour produire un vaccin contre la VHD, virus qui englobent l'ADN codant pour la VP60. Des recombinaisons avec du matériel génétique de plantes et l'ADN codant pour la VP60 permettent aussi de créer une substance protégeant le lapin contre une épreuve virale à RHDV ce qui épargne des vies animales par rapport à la fabrication classique de vaccins.

Les auteurs de la synthèse (Suo et al.) ont quant à eux développé un vaccin recombinant à l'aide d'un système Baculovirus exprimant la VP60. Ce type de vaccin confèrerait une immunité identique à celle que donne un vaccin traditionnel produit sur tissus..Il protègerait en 7 jours pour une période de 7 mois et peut se conserver 24 mois entre 2 et 8 degrés.

Enfin, en dehors des vaccins, un article écrit par des chinois présente une méthode de fabrication sur souris BALB/c, d'anticorps monoclonaux reconnaissant les virus RHDV et RHDV2.

La Chine ne fait pas état de l'apparition du RHDV2 chez elle. Les virus de génogroupe 2 initiaux (RHDV dits classiques qui avaient envahi le monde il y a plus de 20 ans) y sont toujours présents, même si le groupe dominant semble être aujourd'hui le G6. Le RHDV2 quant à lui colonise l'Europe et devient le virus dominant à l'Ouest de l'Europe. Va-t-il un jour gagner la Chine en passant d'Ouest en Est comme le RHDV, son ancêtre, l'avait fait entre 1984 et 1988 ?

 

5. L'EEL (Entéropathie Epizootique du Lapin)
 

Aucune communication n'a été présentée pendant le Congrès concernant l'EEL, mais il y avait néanmoins un rapport invité consacré à cette maladie, et ayant pour titre : "Recent advances on ERE in growing rabbits", présenté par I. Badiola et al. (Espagne).
Cet article est décevant en terme de qualité scientifique et plutôt qu'une synthèse, c'est une somme de travaux de l'équipe, non publiés par ailleurs, collés bout à bout et mal décrits et incomplets.

Pour commencer, Badiola met en avant l'implication de Clostridium perfringens dans le développement de l'EEL, dans la mesure où son équipe aurait pu reproduire avec certaines souches de C. perfringens, des symptômes propres à l'EEL, notamment l'impaction caecale. Mais il ne précise pas de quel toxinotype il s'agit, ni quelles toxines ces souches pourraient produire (quels gènes sont présents ?), ni s'il a utilisé des lapins EOPS et aucune publication dans une revue scientifique n'est venue confirmer ses affirmations. Et paradoxalement, il souligne en même temps que l'EEL est une maladie multifactorielle.

Trois expérimentations sont ensuite présentées:

• La première décrit l'effet de l'âge sur l'évolution du microbiote caecal : 3 âges x 4 aliments (2 types de fibres et supplémentation avec des oméga 3 et 6) : les effectifs ainsi que la composition de l'aliment ne sont pas précisés. Globalement, l'auteur confirme l'évolution du microbiote avec l'âge et notamment l'augmentation des Firmicutes au détriment des Bactéroidetes, l'effet aliment n'est pas discuté.

• La seconde concerne l'EEL : des animaux sont prélevés dans 5 fermes au sevrage (28-30j) ou à l'abattoir entre 60 et 75 j d'âge (effectif non précisé). Clostridium perfringens (données non incluses en Figure 2), Bacteroides thetaiotaomicron, Bacteroides fragilis et Akkermansia muciniphila seraient liés aux symptômes d'EEL (la figure ne le montre pas ! ). Puis sont présentés des travaux sur Clostridium perfringens, chez des animaux atteints ou non d'EEL avec identification de protéines de haut poids moléculaires. On ne sait pas si les gènes de ces protéines sont portés par des plasmides (recherches en cours). Ces protéines sont ensuite étudiées par Maldi TOF. Ce sont des peptidases qui possèdent une activité mucinase.

• La troisième expérimentation concerne l'inoculation de 4 souches de Bacteroides chez des lapereaux de 8 jours directement dans l'estomac : hypothèse il pourrait jouer le rôle de probiotique. Ce choix de Bactéroides comme probiotique est surprenant sachant que chez le lapin la maturation est associée à une diminution de ce genre. Par ailleurs un peu plus haut dans son texte l'auteur mentionne que des niveaux élevés de Bacteroides seraient associés à l'EEL ! La raison de ce choix s'explique vraisemblablement par le fait que Bacteroides est une des bactéries anaérobies strictes que l'on sait le mieux cultiver et qui est utilisée dans les autres espèces dans lesquelles son abondance reste élevée (homme, rat, porc, ruminants, etc...). Notons toutefois que chez le lapin, ce genre (B. fragilis et B subtilis) a été utilisé pour montrer la stimulation du développement de follicules et la diversification du répertoire d'anticorps dans l'appendice vermiforme (gène V(D)J (Rhee et al. 2004, Hanson et Lanning 2008, Zhai et Lanning, 2013). Les individus inoculés avec des souches de Bacteroides présenteraient des taux plus bas de Bactéroides que chez le témoin. L'inoculation semble avoir un effet sur l'expression de 4 paramètres immunitaires (cytokines) et augmenterait la diversification des chaines V(D)J des immunoglobulines (analyse de la diversité des gènesau niveau de la muqueuse de l'appendice vermiforme par séquençage (VDJ). On peut émettre un doute sur la survie de Bacteroides dans l'estomac !

 

6. ANTIBIORÉSISTANCE
 

Une étude italienne conduite par Agnoletti et al. a porté sur l'antibiorésistance de souches colibacillaires isolées sur 32 élevages (5 animaux prélevés par élevage) entre 2010 et 2014. Plus de 70% sont résistantes aux tétracyclines, antibiotique largement utilisé en Italie ; les niveaux de résistance sont très élevés. L'utilisation des antibiotiques a chuté sur cette période en Italie mais les auteurs qualifient les niveaux de résistance d'alarmants.

 
Avec les chiffres fournis, nous avons pu faire un comparatif pour donner des ordres de grandeurs concernant l'usage des antibiotiques en France et en Italie :
mg/kg
2010
2014
Chute
ITALIE
2673
1898
-29%
FRANCE
799
595
-26%
Usage des antibiotiques en Italie et en France
 

Dans 27 élevages canadiens de l'Ontario (12 animaux prélevés par élevage), une étude similaire (Kylie et al.) porte sur l'isolement d'entérobactéries sur les crottes. Les colibacilles sont isolés dans tous les élevages, avec 19% des souches résistantes à au moins une famille d'antibiotique, et la résistance la plus fréquente concerne la famille des tétracyclines. 2 souches de salmonelles sont isolées dans le même élevage (sérovars London et Kentucky).

La résistance aux antibiotiques des bactéries intestinales, commensales ou pathogènes, quelle que soit l'espèce animale, est souvent très forte pour la famille des tétracyclines.
En 2010 en France, une étude effectuée sur 200 prélèvements fécaux prélevés sur des lapins à l'abattoir a permis l'isolement de 82 souches de E. coli : plus de 85% étaient résistantes aux tétracyclines.
En 2000/2001, une étude comparative de sujets exposés (éleveurs de porcs en contact avec les animaux) et de sujets non exposés chez l'homme, a permis de mettre en évidence, sur les entérobactéries intestinales, un taux de résistance aux tétracyclines de 70,9 % chez les personnes exposées contre 43 % chez les personnes non exposées
.

 

 

Une autre étude italienne (Brunetta et al.) a porté sur les staphylocoques résistants à la méticilline présentant un danger pour la santé humaine (souches MRSA) : la contamination d'une ferme par une souche de SARM a fait l'objet d'un suivi durant 3 ans. Les lapins sont porteurs avec une prévalence de 53 à 93% suivant la période, et les personnes au contact des animaux sont régulièrement détectés porteurs.

Une étude française (Le Normand, Boucher, Journées de Recherche cunicole, 2015) portant sur plus de 300 souches de staphylocoques, a démontré l'absence de SARM. Ici, l'élevage contaminé se situe à 140 mètres d'un élevage de porcs, espèce impliquée dans le portage de souches SARM. Ce cas semble toutefois indiquer que les souches de staphylocoques SARM ne sont pas facilement éradiquées dans un élevage contaminé : le vide sanitaire doit être envisagé.

 

7. DIVERS
  La cicatrisation de l'ombilic du lapereau a été étudiée par S. Boucher et al. et a apporté des éléments jusque-là mal connus car peut étudiés. En effet, la législation concernant le transport des animaux, lorsqu'elle mentionne l'obligation d'une cicatrisation de l'ombilic, est adaptée aux ruminants pour lesquels ce phénomène est assez facile à caractériser. Cette étude conduite sur 2862 lapereaux de souche Hy+ et 40 lapins nains. Elle permet de dire que l'ombilic est complètement cicatrisé à 6 jours de vie, le cordon ombilical tombant entre 6 et 15 jours.

Une étude hollandaise pose une question combinant logement et santé : les problèmes de santé sont-ils transférés plus tard en parcs ? Pour répondre à la question, des lapereaux ayant eu des problèmes au nid ou sans problèmes de santé au nid sont suivis dans les parcs : ce suivi ne met pas en évidence de différence entre les groupes.
Ce protocole aurait pu être intéressant si les critères mesurés avaient été précis : le critère de mortalité, sans cause déterminée, est bien trop grossier pour pouvoir tirer des conclusions scientifiques étayées.

L'intérêt et les limites de l'ajout de pelotes fécales dans le nid sur les performances et la santé après sevrage ont été abordés par une publication française (Shi D et al.). L'étude porte sur 363 nids, 183 ayant fait l'objet d'un apport de pelotes fécales tous les jours de 2 à 18 jours, et 180 ayant été maintenu en nids de contrôle. Le suivi des lapereaux n'a pas permis de mettre en évidence de différence d'instabilité digestive entre les lots ; l'apport de pelotes fécales semble améliorer la croissance. Des études complémentaires doivent confirmer ces observations.

Le microbiote du lapin est peu connu ; pourtant, l'évolution des connaissances conduit aujourd'hui les scientifiques à considérer l'unité animale comme l'organisme + son microbiote + son environnement. Ces études sont complétées par une approche de biologie moléculaire et constituent un domaine de recherche indispensable.