31 janvier 2017 - Journée d'étude ASFC «Qingdao -Ombres & Lumières»
Techniques d'élevage et Économie :
Les apports lors du 11ème Congrès Mondial de Cuniculture

par

Guillaume LENOIR* et Michel COLIN**

* Hycole, Route de Villers- Plouch, 59159 Marcoing (France)
** COPRI, Coat Izella N°2, 29830 Ploudalmézeau (France)

1 - INTRODUCTION

G. Lenoir au cours de son exposé
Si la partie "Techniques d'élevage et économie " des 2 précédents congrès s'était caractérisée par une extrême dispersion des thèmes abordés conduisant les auteurs à qualifier le programme d'«Auberge espagnole», il n'en a pas été de même à Qingdao où au contraire elle aurait pu s'intituler " Economie et consommation ". Seules 4 publications sur 24 concernaient les aspects techniques dont 1 sur le bâtiment (Figure 1). Le thème le plus fréquemment abordé (9 publications dont une revue très complète en provenance d'Indonésie) concernait la description macro-économique de la cuniculture de plusieurs pays émergents pour lesquels on dispose désormais de données chiffrées et d'informations importantes. Venaient ensuite 4 communications sur la consommation abordées à la fois par des équipes chinoises, nigérianes et espagnoles; 3 sur les cunicultures alternatives, apanage exclusif de l'Europe; 3 sur la rentabilité essentiellement d'origine chinoise et une sur la formation.
 
Au niveau géographique (Figures 2 et 2bis), le fait marquant était le nombre élevé de communications asiatiques (11 sur 24), conséquence probable de la localisation du congrès en Chine mais vraisemblablement également de la réelle émergence de la cuniculture dans ces pays (voir paragraphe 2). Les pays européens et africains représentaient chacun 6 publications. Remarquons au passage la constance de la présence nigériane qui depuis 3 congrès apparait comme l'un des principaux intervenants dans cette partie.
 
2. MACROÉCONOMIE CUNICOLE
 

Le rapport de synthèse de Raharjo et Bahar d'Indonésie fait un état des lieux de l'évolution de la production de lapins, des activités de recherche qui lui sont liée ainsi que des opportunités dans les pays d'Asie

2.1. - Contexte de la production dans les pays en voie de développement
L'ONU estime que la population mondiale passera de 7,35 à 9,73 milliards d'individus entre 2015 et 2050 (Figure 3). Cette augmentation aura lieu principalement dans les pays en voie de développement où l'accès à la nourriture est déjà assez souvent problématique aujourd'hui. Sur cette période, la population en Asie devrait croitre de 700 millions d'habitants pour atteindre 4,47 milliards (Figure 3bis), soit 46% de la population mondiale contre 51,7% en 2015.

Dans le même temps, la FAO estime que la consommation de viande passera de 200 à 470 millions de tonnes / an du fait de l'évolution de la population mondiale et de l'augmentation du niveau de vie. Entre 2010 et 2020, la consommation de viande en Asie du Sud-Est devrait croitre de 12,7 à 25,7 kg / an / habitant et de 39,1 à 49 kg / an / habitant en Asie de l'Est (Japon, Chine). Pour répondre à l'évolution de la demande, il est donc nécessaire d'augmenter de façon importante cette production de viande.

 
  2.2 - La production de lapins dans le monde
 

En 2013, selon la FAO, la production de lapins dans le monde est estimée à 1,172 milliard d'animaux abattus, soit 1,78 million de tonnes de viande, contre 884 millions d'animaux en 2000 (Figure 4).

L'augmentation de la production s'explique principalement par le développement de l'Asie qui représente en 2013 (Figure 5) 51% des lapins abattus contre 34% en 2000. Sur les 596 millions de lapins produits en Asie, 475 millions l'ont été en Chine (41% de la production mondiale). La production de lapins s'est donc majoritairement développée dans ce pays avec une croissance de 70 % du nombre lapins abattus entre 2001 et 2010 principalement au travers de fermes de petite taille mais aussi de structures industrielles. Ces évolutions doivent tout de même être nuancées du fait que pour certains pays l'évaluation de la production est discutable et que les méthodes statistiques utilisées aujourd'hui peuvent être différentes de celles antérieurement en place.

 
 

Le développement de la production de lapins dans les pays d'Asie du Sud-Est est en partie lié à des programmes de création d'élevages de petite taille (Indonésie, Thaïlande, Vietnam notamment) afin de subvenir aux besoins des populations locales. L'espèce est de dimension réduite et avec un cycle de production court permettant de produire à partir de fourrages disponibles localement une viande de qualité à un coût faible. Dans ces pays, la présence endémique de la grippe aviaire et le coût élevé des céréales ont favorisé les élevages de lapins familiaux au détriment de l'élevage de poulets en basse-cour.
Dans ces pays, la consommation de lapin par habitant reste marginale entre 0,03 kg / an / habitant au Japon et 0,50 kg pour la Malaisie. Pour la Chine, la consommation moyenne est de 0,07 kg / an / habitant mais avec des écarts importants entre régions.

 

 

2.3. - Production en Chine
Dans l'article de Wu et al, la consommation de la province du Sichuan est évaluée à 3,96 kg / habitant / an, suivi de la province de Chongqing avec 1,93 kg puis par celle de Guangdong (0,63 kg). En 2014, la production s'élevait à 785 000 tonnes de viande de lapin dont 1,2% ont été exportées. La production est donc principalement destinée au marché domestique. Il faut donc relativiser totalement le danger que la production chinoise de lapins ferait courir aux autres cunicultures. La production de viande de lapin représente en Chine seulement 1% de la production totale de viande. Elle est répartie entre des élevages de petites tailles (35 % de la production), des fermes de taille moyenne regroupées en coopératives (40%) et des groupes industriels (25%).

L'élevage de lapins a plusieurs finalités : la production de viande, de poil, de peaux ou d'animaux de compagnie. En 2012 dans la province du Shandong, pratiquement 75% des élevages étaient dédiés à la production de poil Angora et un peu plus de 25% à la production de viande. La Chine était en 2008, le 1er producteur mondial de laine Angora avec 83% de la production. 91% des élevages destinés à la production de viande avaient entre 50 et 99 lapines. La production de lapins pour la fourrure, issues d'animaux de type Rex, est aussi une activité importante. D'après Wu et al, la répartition entre ces 3 activités fluctue en fonction des cours de chaque produit. En 2015, 80% des élevages de lapins étaient destinés à la production de viande contre 63% en 2011. La production de lapins de chair tend à se rationnaliser avec l'apparition des fermes de tailles importantes utilisant des animaux issus de lignées hybrides importées ou de races locales sélectionnées ainsi qu'avec l'utilisation d'aliment complet. Toutefois, les élevages de petite taille conservent un mode de conduite traditionnel. Aujourd'hui, les éleveurs de taille petite et moyenne avec le soutien du gouvernement tendent à se regrouper pour former des coopératives afin d'améliorer la gestion technique des fermes ou de commercialiser leurs lapins.

La majorité de la production se concentre dans 2 provinces principalement : le Sichuan et le Shandong (Tableau 1).

Rang
2007
2013
Province
Lapins abattus millions
Province
Lapins abattus millions
1
Sichuan
174 984
Sichuan
503 665
2
Shandong
83 390
Shandong
199 094
3
Henan
39 922
Chongqing
62 442
4
Hebei
30 259
Henan
44 818
5
Jiangsu
28 499
Jiangsu
41 401
6
Chongqing
19 929
Hebei
40 417
7
Fujian
15 284
Fujian
33 066
8
Zhejiang
7 588
Jilin
18 831
9
Shanxi
4 887
Hunan
7 936
10
Hunan
4 648
Guangxi
6 718

Tableau 1 : Répartition de production de lapins par province en Chine en 2007 et 1013
 

La publication de Yan et Zhu évalue des index permettant de mesurer l'efficacité technique et économique des élevages de lapins. Cette étude souligne que les petits élevages (<1000 animaux) avaient une meilleure efficacité technique alors que les grands élevages (>10000 animaux) présentent une meilleure efficacité d'échelle. L'étude de Zhan et Zhu montre que les élevages de taille importante ont un meilleur ratio charges/produits que les petits et donc une meilleure rentabilité.

 

  2.4. - Production en Asie du Sud-Est :
La production dans les pays d'Asie du Sud-Est (Vietnam, Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Cambodge) est principalement destinée à la subsistance des populations locales. Des élevages de très petite taille sont créés avec le soutien des gouvernements. Du fait, du manque de savoir-faire technique et d'intrants ainsi que d'une absence de commercialisation organisée de la viande de lapin, ces élevages ne se développent pas à l'échelle commerciale.
Au Vietnam, la production est estimée à 7,66 millions de lapins/ an en 2012 contre 3,45 millions en 2005 (Tableau 2). La majorité des élevages se trouvent dans les provinces les plus au Nord et les plus au Sud du Vietnam dans des exploitations de très petite taille. La consommation est estimée à 270g / habitant / an.
En Indonésie, le nombre de femelles est estimé à environ 1 million dont 70% se trouvent sur l'île de Java (Tableau 2). Il existe une activité importante de production de lapins pour l'industrie pharmaceutique et comme animaux de compagnie.
 

Tableau 2 : Evolution du nombre de lapins et de la production de viande au Vietnam et en Indonésie
 

En Malaisie, le cheptel est évalué à 430 000 femelles pour 216 fermes.
En Thaïlande, le lapin est perçu comme un animal de compagnie, la consommation est donc très faible. Le cheptel est estimé à 6797 femelles réparties en 89 fermes. L'étude de Kovitvadhi et al fait l'état des lieux de la production cunicole en Thaïlande à partir d'une enquête réalisée auprès de 41 élevages, 3 laboratoires et 2 abattoirs. Les élevages enquêtés produisent 17 000 lapins / an avec un rythme de production extensif. Les abattoirs ne peuvent pas couvrir la demande locale et estiment qu'il existe une possibilité de développement de la production. Le gouvernement a la volonté de développer la production et la consommation de viande de lapin.
Au Cambodge et en Inde, la production de lapins est très faible ou quasi inexistante, il existe tout de même quelques initiatives locales afin de mettre en place une production à petite échelle.

 

 

2.5. - Production au Népal :
La publication de Chapagain et Lukefahr présente la mise en place de la production cunicole comme une solution à l'insécurité alimentaire et la pauvreté au Népal. Grâce au soutien de la WRSA et de l'ASFC, une station de démonstration a pu être reconstruite suite au tremblement de terre de 2015. 50 familles victimes ont ensuite reçu une formation, un soutien technique ainsi que des reproducteurs afin de mettre en place une production de subsistance et commercialiser l'excédent de production. L'objectif est que cette démarche serve de modèle à d'autres régions du Népal.

 

  2.6. - Production en Afrique :
 

Deux pays africains ont fait l'objet de publications concernant leur macroéconomie cunicole : le Nigéria et la Côte d'Ivoire. Au Sud-ouest du Nigéria, un questionnaire a permis de caractériser la production de 150 éleveurs. Il s'agit d'une population relativement jeune : 58 % de ces éleveurs ont entre 31 et 40 ans avec un âge moyen de 38 ans pour l'ensemble de la population. 70 % d'entre eux sont des hommes et 62 % avaient reçu une éducation. Aucun n'est éleveur à plein temps et 66% n'ont jamais reçu de visite concernant leur élevage de lapins. Ils ont en moyenne 6 ans d'expérience en cuniculture. Cependant 80% sont membres d'une coopérative. 71 % de ces éleveurs ont moins de 31 lapins et 66 % donnent des feuilles comme seul aliment. Les principaux facteurs expliquant la productivité sont l'âge, les années d'expérience, le revenu de l'exploitation, et l'accessibilité aux prêts. On a donc bien une cuniculture vivrière avec cependant un souci de pouvoir mieux vendre ces lapins et un début d'organisation par le biais d'une coopérative dont le rôle n'est cependant pas précisé. Une meilleure accessibilité aux prêts, la mise en place de techniciens visitant les élevages et la création d'un abattoir permettrait rapidement la situation.

De la même façon, 198 élevages ont été étudiés sur le district d'Abidjan et ont montré un développement de l'activité. La production du lapin reste cependant une occupation secondaire dans 95 % de cas, gérée par les hommes dans 94,7% des élevages. 54,8% ont moins de 20 reproducteurs ; 27,1% entre 20 et 50 lapines reproductrices; 12,3% entre 50 et 100 et seulement 5,9 % plus de 100. Le rythme de reproduction est extensif. Le nombre de lapins à la naissance est de 6 en moyenne et la durée de lactation de 30 à 35 jours. Ces données soulignent également le côté vivrier de cette cuniculture comme au Sénégal et au Bénin mais identifie la possibilité des progrès rapides par développement d'un meilleur management.

 

3. CUNICULTURE ALTERNATIVE
  Un travail collectif impliquant l'INRA et l'ITAVI a étudié les performances de consommation et de croissance de lapins bio élevés sur pâture pendant la partie terminale de l'engraissement. Les lapins sevrés à 52 jours étaient placés dans des cages mobiles sur pâture jusqu'à 100 à 120 jours d'âge. Ont ainsi été réalisées 6 répétitions impliquant 6 à 7 cages de 6 lapins chacun (Soit 36 à 42 par essai). Outre le pâturage, les lapins recevaient du foin à volonté et 80 grammes d'aliment lapin bio. La quantité d'herbe consommée était évaluée par coupe d'un échantillon d'herbe sous les cages à leur arrivée et à leur départ. Les résultats montrent que ce type d'élevage est compatible avec des mortalités d'un niveau acceptable (Tableau 3) mais les performances pondérales sont faibles : 15 à 25 grammes de croissance / jour. La consommation de pâture dépend du site et de la saison en relation avec la composition botanique de l'herbe et surtout avec la quantité de biomasse disponible ; celle de granulé est par contre relativement constante. Au total, compte tenu de la teneur en eau de la pâture, la consommation quotidienne de matière fraiche atteint 353 grammes / lapin soit environ un quart de leur poids. Elle se décompose en 76 % de pâture, 21 % de granulé et 2% de foin.
 

Tableau 3: Performances de croissance, de mortalité et de consommation de lapins bio élevés sur pâture
pendant la partie terminale de l'engraissement
 

Un travail hollandais de l'université de Wageningen traitait de l'évolution des systèmes d'élevages développés ou se développant aux Pays-Bas pour satisfaire les exigences du consommateur en termes de bien-être animal. Après avoir rappelé la très forte pression médiatique existant dans le pays sur ce sujet, les auteurs précisent notamment qu'a été substitué au simple concept de souffrance celui du respect du comportement naturel de l'animal d'où des problématiques beaucoup plus complexes. Pour toutes les productions incluant le lapin, un inventaire de tous les aspects insatisfaisants dans les méthodes d'élevage actuelles a donc été dressé en demandant aux scientifiques et aux éleveurs de trouver rapidement des solutions en liaison avec différentes organisations non gouvernementales comme le Dierenbescherming (Organisation de défense des animaux) dont la stratégie est la négociation avec l'industrie plutôt que la confrontation. Trois programmes sont ainsi en cours d'étude ou / et de réalisation :

 

 

Cages femelles bien-être : Dès 2002, le gouvernement néerlandais envisageait une loi interdisant l'élevage du lapin en cage mais a finalement abandonné le projet. Un guide de bonne conduite de la profession réalisé en collaboration avec le Dierenbescherming a mis en avant le concept de cages bien-être disposant d'un enrichissement, d'une mezzanine et d'un sol conçu pour diminuer les problèmes de pattes. En 2011, 50 % des élevages utilisaient déjà ce type de cages qui sera obligatoire en 2016. L'adoption de ces cages bien-être a d'ailleurs été associée à une amélioration des performances ce qui a facilité leur adoption.

Parcs : A côté des cages femelles bien-être et à la demande des distributeurs belges (qui représentent une part majeure du marché des lapins hollandais), les éleveurs hollandais se sont engagés dans l'engraissement des lapins en parcs de 20 lapins. Malgré des débuts difficiles au niveau des résultats techniques, la crainte d'une disparition du marché pour les lapins engraissés en cages et une incitation au niveau des prix d'achat ont abouti à ce que 60 à 70 % des lapins soient aujourd'hui engraissés en parcs.

 

Elevage des lapines en colonies : Beaucoup d'études ont été consacrées à l'élevage des lapines en colonie. Ainsi, dès l'année 2005, a été testé un système consistant à laisser les lapines en colonie avec un nid individuel dans lequel elles pouvaient rentrer grâce à un collier électronique. Il a dû être abandonné en raison de comportements d'agressivité des lapines. Dans les études actuellement en cours, les femelles sont logées individuellement en début de lactation (ce qui correspond au comportement naturel) et en groupe quand les lapereaux commencent à sortir du nid (ce qui correspond également à leur comportement naturel et elles ne manifestent plus de comportements d'agressivité à ce stade). Les premiers essais sont encourageants et on recherche actuellement comment valoriser cet avantage supplémentaire en termes de techniques d'élevage.
Cette publication insiste sur l'originalité de l'expérience hollandaise et belge. Bien que confrontés à une très forte pression de leurs opinions publiques sur le problème du bien-être, ces pays ont choisi de ne pas légiférer et de laisser leurs associations de producteurs mettre en place elles-mêmes de nouvelles contraintes de production en partenariat étroit avec les associations de défense des animaux et surtout avec les distributeurs écoulant leurs produits afin de dégager une plus-value permettant de financer ces nouveaux investissements.
La dernière publication sur le bien-être émanant de l'équipe italienne de Pérouges a également traité de la mise au point d'un matériel permettant l'élevage des lapines en colonie. Elle sera présentée dans la partie " Ethologie et Bien-être ".

 

4. RENTABILITÉ
 

Les 3 seules publications consacrées à la rentabilité des activités cunicoles n'avaient que peu de rapport avec les préoccupations de la cuniculture européenne. Un travail tunisien étudiait la rentabilité de 276 éleveurs en soulignant l'importance du coût alimentaire. Il rappelait l'importance d'une meilleure organisation de la filière pour rendre celle-ci plus compétitive. Deux publications chinoises présentaient l'évolution prospective des prix du lapin de chair et de la laine angora. La première prévoit une augmentation modérée mais régulière de la consommation de viande de lapin en Chine qui passerait de 0,634 kg à 0,736 kg / habitant / an entre 2016 et 2025 soit une augmentation de 16 %. Les exportations seraient encore plus faibles qu'aujourd'hui. La publication sur le lapin angora recherchait la possibilité d'appliquer des modèles financiers pour prévoir l'évolution du prix de la laine angora. Les auteurs soulignent la nécessité d'utiliser un ensemble de 3 indicateurs pour avoir une prévision fiable.
Une étude hongroise de Szendro et al avait pour but d'évaluer la valeur économique de 3 lignées sélectionnées sur différents critères. L'objectif était de comparer les performances des animaux à poids identiques ainsi que des indicateurs économiques. Les résultats des 2 lignées sélectionnées sur les qualités de carcasse et la croissance offrent la meilleure rentabilité. Un des résultats montre que le croisement le plus favorable financièrement pour l'éleveur (PLarge * PKa) n'est pas forcément le plus intéressant pour l'abattoir (Pka * P White). En effet, le facteur influençant le plus la profitabilité de l'éleveur est l'efficacité alimentaire, alors que le rendement carcasse et le % de morceaux nobles ont le plus gros impact sur la rentabilité de l'abattoir.

 

5. CONSOMMATION - COMMERCIALISATION
 

Quatre études concernaient la consommation et la commercialisation de la viande de lapin.
Un très intéressant travail espagnol étudiait les comportements d'achat de 4 catégories de consommateurs se différenciant par leurs critères d'appréciation de la valeur :

  • Consommateurs peu concernés (36,8 % des consommateurs totaux). En général, peu intéressés par les caractéristiques des produits alimentaires et leur préparation. Concernant le lapin, 17 % de ces consommateurs l'achètent une fois par an ; 12,3 % une fois tous les 2 ou 3 mois ; 39,4 % au minimum une fois par an. Le lieu d'achat est le supermarché ou l'hypermarché. Ils attachent de l'importance au prix et à l'aspect du produit. Ils considèrent la viande de lapin comme savoureuse et bonne pour la santé mais ne sont pas intéressés par des produits nouveaux.
  • Consommateurs aimant cuisiner (18,4 % des consommateurs totaux). Ils aiment acheter leur viande chez un boucher et se font conseiller par lui, y compris pour la viande de lapin. Ce segment est celui avec la plus forte proportion d'acheteurs réguliers. Ils sont intéressés par les produits nouveaux.
  • Consommateurs hors foyer et recherchant la commodité (28,6 % des consommateurs totaux). Ils achètent en général la viande au supermarché ou à l'hypermarché mais pour le lapin, vont dans des magasins spécialisés où ils recherchent des produits prêts à consommer. Ils sont intéressés par l'innovation. Ce segment est le deuxième pour la consommation de lapin. 77,9 % considèrent la viande de lapin comme savoureuse et 28,1 % comme pauvre en graisse.
  • Consommateurs rationnels avec peu d'intérêt pour la préparation des repas (16,2 % des consommateurs totaux). 58,1 % de ces consommateurs achètent leurs lapins à un boucher de proximité, en carcasse pour des raisons de prix. Ils attachent une grande importance à l'aspect et l'information sur le produit. Ils considèrent la viande de lapin comme savoureuse mais sont peu intéressés par l'innovation.

Pour les auteurs, cette segmentation permet de définir des offres produits et des actions différenciées de marketing adaptés à chacun de ces 4 segments afin d'être plus efficace dans la promotion du produit.

 

  Deux études chinoises s'intéressaient aux habitudes de consommation de la viande de lapin en Chine ainsi qu'au packaging. La première résultait d'interviews réalisées sur plusieurs milliers de personnes dans 11 villes. Celles-ci ne sont malheureusement pas identifiées ce qui limite un peu l'intérêt de l'étude en raison des très fortes disparités existant en Chine entre les régions pour la consommation de viande de lapin. Le tableau 4 montre une nette progression du pourcentage de ménagères ayant consommé de la viande de lapin et qui passe de 36 % à presque 50 % mais ces consommations restent peu fréquentes et non régulières. D'ailleurs, une partie importante de cette consommation se déroule dans les restaurants spécialisés ou dans les restaurants hot-pots. Dans les autres cas, les lapins sont achetés au supermarché ou dans des marchés de producteurs mais rarement chez des grossistes. Les principaux obstacles à la consommation sont l'absence d'habitudes de consommation (56%), le manque d'information sur cette viande (37,8 %) et le fait de ne pas savoir la cuisiner (21,8 %). Les consommateurs connaissent partiellement les propriétés nutritionnelles de la viande de lapin. Du reste la seconde étude signale l'absence de véritable marketing sur ce produit et un packaging le mettant peu en valeur, en soulignant la nécessité d'y remédier. Il n'est pas inintéressant de remarquer que beaucoup de ces caractéristiques de la consommation de viande de lapin en Chine se retrouvent dans de nombreux pays dont la France.
 
Années
2011
2012
2013
2014
2015
% de ménagères consommant du lapin
36,1
38,6
44,5
46,3
49,8
Intentions de reconsommation %
40,6
44,0
53,8
43,5
40,1
Tableau 4: Pourcentages de consommateurs de viande de lapin en Chine et intentions de rachat
  Enfin, la dernière publication concernant la commercialisation de la viande de lapin présentait une intéressante étude nigériane sur les " Points faibles - points forts - Menaces - opportunités " de la production de viande de lapin dans ce pays. Elle montre notamment que la production de viande de lapin présente de nombreux avantages et opportunités au Nigéria mais reste insuffisamment connue et organisée au niveau de la production (Tableau 5)
 
POINTS FAIBLES
POINTS FORTS
Faible rentabilité
Mauvaise qualité des intrants
Lapin vu comme animal de compagnie
Haute prolificité
Capacité à consommer des fourrages
Untilisation de ressources renouvelables
MENACES
OPPORTUNITÉS
Faible consommation
Image insiffisante
Peu de savoir-faire
Pas de politique gouvernementale
Apport alimentaire pour les producteurs
Pas de tabou éthnique ou religieux
Faible investissement
Multiples modes de préparation culinaire
Tableau 5 : Points faibles - points forts - Menaces - opportunités de la viande de lapin au Nigéria
 
6. FORMATION
  L'objectif de la publication d'Oseni et Lukefahr est de déterminer comment améliorer le programme de la formation de Licence en sciences animales afin de motiver les étudiants à s'engager dans la production cunicole au Nigéria. En effet diverses études ont démontré que pour les pays en voie de développement la production de lapins est un moyen de réduire la pauvreté, d'améliorer l'autonomie des populations et de développer les compétences entrepreneuriales. L'étude a souligné la nécessité d'améliorer la formation avec des thèmes en lien avec l'entreprenariat, le développement d'élevages locaux, la connaissance des " filières " locales, l'économie et " l'agri-business ".


7. TECHNIQUES D'ÉLEVAGE et BÂTIMENTS
 

Une publication du Mexique (Luis et al) évalue l'intérêt de la lactation contrôlée durant 14 jours sur la mortalité des lapereaux et la production laitière des femelles. Elle montre que la lactation contrôlée a un effet bénéfique sur la viabilité des lapereaux.

Une étude du Kenya (Mahunguane et al) avait pour but d'évaluer l'effet de l'âge au sevrage dans les fermes de petites tailles sur les qualités de carcasse des lapins. Le sevrage à 4 semaines et l'utilisation d'un aliment commercial ont un effet favorable sur le poids des animaux à l'abattage.

Une étude originale de Menini et al (France) avait pour but de présenter les différents postes de dépenses énergétiques d'un bâtiment élevage en France. Les résultats montrent que le principal poste de dépense en énergie est de l'électricité utilisée par les ventilateurs suivie par le gaz servant au chauffage (Figure 6). L'étude a aussi évalué l'origine des pertes de chaleurs du bâtiment : 55% d'entre elles sont liées à l'extraction de l'air par les ventilateurs et 24% au sol. Grâce à ces éléments, les auteurs proposent des solutions d'optimisation de la ventilation et de disposition du chauffage.

Figure 6 : Répartition des dépenses énergétiques dans un bâtiment d'élevage

 
8. EN GUISE DE CONCLUSIONS
 

En conclusion, cette présentation de la partie "Techniques d'élevage et économie " du congrès de Qingdao met en lumière l'existence de deux réalités cunicoles totalement différentes :

  • Celle des pays émergents dont l'importance croissante est apparue depuis le congrès de Vérone en 2008. Ces pays ont identifié la production cunicole comme une solution pour fournir des protéines de bonne qualité à leur population à partir de matières premières non utilisables par l'homme et avec un risque faible d'épizootie. Ils sont encore dans une phase de " découverte " de leur propre cuniculture qui accède au rang d'activité économique à part entière. Ces études confirment les réelles opportunités de la cuniculture mais soulignent également des facteurs limitants comme une formation technique insuffisante des éleveurs et une connaissance faible de la viande par le consommateur.
  • Celle des pays développés essentiellement l'Europe principalement préoccupée de considérations sociétales : bien-être animale, production bio….sur lesquels sont concentrés l'essentiel des efforts de recherche et de développement. Il est significatif qu'aucun pays européen n'ait présenté une communication sur la situation économique globale de sa cuniculture, se concentrant uniquement sur des niches.

Cet écart de dynamisme entre ces 2 cunicultures ne peut à terme que remettre en cause le rôle de leadership qu'avait acquis l'Europe en matière de savoir - faire cunicole. Le congrès de Nantes permettra-t-il un rééquilibrage de cette situation ?