19 février 2013 - Journée d'étude ASFC «Sharm El-Sheikh - Ombres & Lumières»

Bien être et Comportement du Lapin
Les apports lors du 10ème Congrès Mondial de Cuniculture


par


Laure BIGNON* et Thierry CHARRIER**

* Itavi, Centre INRA de Tours 37 380 Nouzilly
** Ets Chabeauti, 8 rue des Plantes 79 330 Glenay

 



T. Charrier et L. Bignon lors de leur inervention

La session Comportement et bien-être a comporté, en incluant la présentation invitée effectuée par Szendrö (Hongrie), 21 communications. Toutes les communications, sauf une, ont été proposées par des pays européens. La majorité des communications de cette session a été assurée par la Hongrie (6), puis par l'Espagne (4), l'Italie (3) et la France (2). L'Allemagne, la Belgique, le Portugal, la Hollande, la Pologne et le Pérou ont présenté chacun une communication.

Une publication était un peu atypique et sera donc développée dans cette introduction. En effet, Gacek et al. (Pologne) se sont intéressés à la répétabilité du profil comportemental de lapins Néo-Zélandais Blanc et Blanc de Termonde. Après avoir trié dans chaque génotype des mâles timides, neutres ou agressifs selon un test comportemental, ils ont testé les mâles F1 et n'ont pas retrouvé les caractéristiques comportementales de leurs pères. Pour chacun des 2 génotypes tous les mâles F1 présentaient un comportement neutre quelque soit le groupe de leur père : timide, neutre ou agressif. Aucun paramètre d'héritabilité n'a pu être calculé.

Pour la communication invitée, Szendrö a utilisé de nombreux résultats issus des travaux de son équipe et présentés dans les ateliers de ce congrès. Les éléments de cette synthèse sont réintégrés dans le corps des parties logement et environnement des femelles (principal objectif de sa synthèse) et logement et environnement des lapins en engraissement.

 

I - LOGEMENT ET ENVIRONNEMENT DES FEMELLES REPRODUCTRICES

 


Exemple de reproduction des lapines en groupes de 4 dans des parcs de 7 m² aménagés
(Szendrö, 2012)

Après analyse des résultats des diverses études sur le logement collectif des femelles, Szendrö conclut à la piètre performance de ces systèmes. Ces résultats ont pourtant été améliorés par l'ajout d'enrichissement du milieu ou l'entraînement des femelles à reconnaître leur nid mais n'atteignent jamais les mêmes performances qu'en logement individuel. En effet, des problèmes d'agressivité et de blessures donnant lieu à des réformes des femelles plus précoces ainsi qu'une diminution des performances liée aux taux de mise-bas faibles et à une mortalité au nid élevée sont très souvent rencontrés dans ces systèmes. Ceci entraîne un problème de rentabilité économique important avec moins de lapins produits par IA et donc une augmentation des coûts de production. L'un des facteurs expliquant le taux de mortalité au nid important est la tendance naturelle des femelles à mettre bas dans un nid déjà occupé après avoir tué les lapereaux de leur congénère déjà présents. Ce phénomène est en général aggravé par l'homogénéité des âges des femelles dans les systèmes de logement en groupe mis en place en élevage. Par ailleurs, le fait de vivre en groupe impose d'établir une hiérarchie et les femelles de rang inférieur, plus stressées ont des performances de reproduction moindres.

 
Figure 1 : Tabeau comparatif des performances des lapines élévées en groupe dans dfférents essais (extrait de la synthèse de Zs. Szendrö) . Chaque fois qu'une comparaison a été possible avec des lapines logées en cages individuelles, les performances ou les paramères physiologiques des lapines logées en groupes ont été similaires (NS) ou dévavorables à l'élevage en groupes.

Exemple de lapine
disposant d'un repose-pattes


Après cet état de l'art des études conduites sur le logement en groupe des femelles dans la littérature, Szendrö s'est attaché à expliquer pourquoi les femelles vivaient en groupe dans la nature. Il a dressé le bilan des coûts et bénéfices de cet état et a conclu que la plupart des bénéfices de la vie en groupe dans la nature sont liés au besoin de se nourrir et à la protection contre les prédateurs (meilleure efficacité de la surveillance et de l'alerte, effet de dilution). Or des lapins élevés en exploitation sont, de fait, protégés des prédateurs et nourris ad libitum, seuls les intérêts liés à l'expression d'une variété de comportements différents avec notamment des comportements sociaux et l'augmentation de l'espace demeurent. Les coûts liés à l'hygiène, l'agressivité des lapines dominantes et la baisse de performances des dominées sont en revanche toujours présents. Par ailleurs, il souligne que les lapins dans leur habitat naturel peuvent changer de stratégie. Ainsi des lapins peuvent vivre seuls au sol si aucun prédateur ne les contraint à vivre dans des garennes.
Concernant les logements individuels, Szendrö a montré l'ensemble des évolutions apportées à ce mode de logement qui permettent d'améliorer le bien-être des femelles. Ces améliorations ne sont pas toujours synonymes de meilleures performances et génèrent donc des coûts de production plus importants mais permettent de limiter les inconvénients de ce mode de logement, à savoir l'ennui, la frustration et l'isolement social.
Sur ce dernier point, Szendrö a rappelé que si les parois étaient pleines entre les cages, une baisse du taux de mise-bas était observée. En revanche, selon lui, le contact visuel et/ou olfactif entre les cages suffirait à contenter les femelles. L'autre problème du logement des femelles porte sur les pododermatites. Ce problème a été en grande partie résolu par l'addition de reposes-pattes dans les cages.
  L'étroitesse des cages et leur pauvreté environnementale sont également pointées du doigt par les associations de défense des animaux. L'agrandissement des cages et l'introduction d'une plate-forme n'entraînent pas d'amélioration des performances mais permettent l'expression d'une plus grande variété de comportements, avec notamment la possibilité pour la femelle de se soustraire aux sollicitations de ses petits sur un temps limité. Concernant la taille des cages, Miko et al. (Hongrie) ont établi que les femelles avaient une préférence pour les grandes cages, essentiellement pendant la période active mais, si la mise-bas avait eu lieu dans ces grandes cages, cette préférence diminue voire même les femelles préfèrent la plus petite cage, plus éloignée de leurs petits, après 12 jours de lactation, après la sortie du nid. Concernant la plateforme, Szendrö a rappelé les problèmes d'hygiène que son introduction pouvait causer avec la rétention des crottes sur la plateforme et la possibilité que les animaux situés en-dessous de la plateforme se fassent souiller par ceux situés dessus.
Miko et al. (Hongrie), ont testé différents matériaux constituant la plate-forme : plastique et grillage, et ont étudié le comportement des animaux. Ces auteurs concluent à la préférence des femelles pour la plate-forme durant leur phase active (la nuit). A l'inverse, la majorité de la phase de repos (le jour) est plutôt passée sous la plate-forme. Ils constatent également que la plate-forme est plus souvent utilisée lorsqu'elle est en plastique (PP) que lorsqu'elle est en grillage (PW) tant pour les femelles que pour les petits (fig. 2). Cependant, il est important de noter que la taille des plateformes et des cages étaient différentes, ce qui constitue un facteur de confusion (PP = 41,5 x 52,5 à 25 cm de hauteur dans une cage de 102,5 x 52,5 x 97 cm sans repose-pattes ; PW = 28,5 x 38 à 26,5 cm de hauteur dans une cage de 102,5 x 38 x 61 cm avec repose-pattes).
 


Figure 2. Pourcentage de temps passé sur la plate-forme par la lapine et ses petits en fonction de la période et de la nature/dimension de la plate-forme. (Miko et al. 2012)

 


Figure 3 : Les 3 types de blocs à ronger testés par Maertens et al. (2012) dans les cages les lapines reproductrices


Figure 4 : Bloc à ronger utilisé dans les cages d’engraissement (Bignon et al., 2012)

 

Deux communications, Maertens et al. (Belgique) et Bignon et al. (Itavi- France), ont décrit l'intérêt d'ajouter des blocs à ronger, suspendus aux parois des cages pour des raisons d'hygiène, dans les cages des femelles et/ou des lapins en engraissement. L'utilisation de ces blocs tout au long de ces 2 expériences montre l'intérêt de cet enrichissement pour le bien-être des lapins même si leur effet sur la limitation des mordillements de cages n'est pas clair dans ces études. Maertens et al. ont testé 3 types de blocs et concluent sur l'intérêt du bloc à base de blé, mélasse et minéraux constitué de 10% de fibres de bois additionné de 15% pulpe de chicorée comme source de fibres. Bignon et al. montrent même un effet positif de l'ajout des blocs à ronger de même type (mais sans pulpe de chicorée) sur le poids des lapins rationnés en engraissement. Cet effet positif est à confirmer par une analyse économique.

Deux études se sont intéressées à l'impact des conditions d'ambiance sur le comportement et les performances laitières des femelles. Matics et al., (Hongrie) ont étudié l'impact de la photopériode sur le comportement d'allaitement des femelles avec la comparaison d'un cycle lumineux sur 24h et un cycle lumineux sur 18h avec respectivement 8 et 6h d'obscurité par cycle (8 ou 9 femelles seulement par traitement). Contrairement à leur hypothèse initiale, ce changement de la dure totale du cycle n'a pas entrainé une augmentation du nombre d'allaitements par 24h, les femelles étant, selon les auteurs, toujours calées sur le rythme lumineux auquel elles avaient été soumises pendant leur phase de croissance et non sur une journée de 18h.
Piles et al. (Espagne) ont étudié l'effet sur les performances laitières des femelles, de températures ambiantes élevées, proches de celles observées dans les pays du sud de l'Europe : cycle journalier 24°C minimum et maxi à 30°C maintenu pendant 2h, en comparaison à 18-22°C en permanence.. Dans ces conditions expérimentales, les auteurs n'ont pas observé d'impact sur la quantité (172,2 et 172,1 g/j) ou la composition du lait mais une diminution de la prise alimentaire (-9,4%) et du poids vif des femelles (-6,3%) sans modification notable de la consommation d'eau (-7,60 ± 60,0 mL/j.)

 

II - LOGEMENT ET ENVIRONNEMENT DES JEUNES FEMELLES
 

Deux études se sont intéressées au logement des jeunes femelles. Bignon et al. (Itavi-France) ont montré l'intérêt d'augmenter la taille des cages individuelles hébergeant le précheptel pour favoriser l'expression des comportements actifs des femelles. Cet intérêt a été mis en balance par une étude économique qui montre que cet agrandissement ne peut pas dépasser un certain seuil pour être économiquement viable. Ainsi, selon ces premiers résultats expérimentaux, des cages californiennes de dimensions 33 x 68,5 x 40 cm (type IS dans l'essai) pourraient être recommandées.

 


Figure 5 : Les trois types de cages de futures reproductrices testées par Bignon et al. (2012)

 

Rommers et Kemp (Pays Bas) ont testé des logements par paire de jeunes femelles issues de la même portée en comparaison à un logement individuel des autres sœurs des mêmes portées. Les auteurs concluent à l'absence d'effet du mode de logement sur la réceptivité et les taux de mise bas des femelles. Par ailleurs, sur 68 femelles en essai, seule une femelle logée en paire présentait des petites traces de morsures sur la tête. En revanche, le nombre total de lapereaux de la portée était significativement moins important dans les logements par paire que dans les logements individuels (6,7 vs 8,1 nés vivants par MB). Après égalisation des portées à 7,4 lapereaux, aucun effet n'a été observé sur le nombre de petits sevrés (7,0) ni sur le poids au sevrage (677 - 689 g).

 

III - LOGEMENT ET ENVIRONNEMENT DES LAPINS EN ENGRAISSEMENT
1 - Taille de groupe, nature du groupe et densité

Szendrö (Hongrie) a rappelé dans sa synthèse que, pour les lapins en engraissement, de nombreux auteurs avaient démontré que le logement individuel permet certes la meilleure vitesse de croissance mais qu'il est stressant, aussi le logement en groupe lui est préférable. Il a été démontré que la densité optimum sur grillage est de 16 lapins/m², ou 40-45kg/m² puisqu'il a été aussi démontré que la composante poids/m² a un impact plus important que la composante effectif/m², et que la taille de groupe optimale était de 4-5 lapins, voire une portée maximum.

Filiou et al. (Italie), qui a remporté le prix de la meilleure communication pour cette section, a présenté des résultats de tests comportementaux (immobilité tonique et d'open-field) de lapins élevés soit individuellement, soit par paire ou en logement collectif de 9 lapins par cage. Ces auteurs montrent bien que les animaux logés seuls sont plus stressés que les animaux logés en groupe de 9. Les animaux logés par paire présentaient un comportement plutôt intermédiaire.
Szendrö et al., (Hongrie) ont évalué l'impact de la séparation ou du mélange des sexes en engraissement. Ils concluent au désavantage de séparer les sexes du fait de la plus grande agressivité conduisant à un taux de lésions important, particulièrement pour les groupes de mâles en fin d'engraissement (17 lapins sur 42 porteurs de lésions dans les cages de mâles à 11 semaines contre 10 à 12 seulement par lot pour les autres groupes ; P= 0,069). Avec des sexes mélangés, les auteurs ont obtenu des résultats similaires à ceux obtenus avec 7 lapins de la même portée par cage. Cette dernière solution est à préférer pour limiter les risques de contagion par des maladies.

 

2 - Lien entre mode de logement et qualité des viandes Par rapport à des lapins logés à raison de 2 par cage, Szendrö (Hongrie) a également évoqué la réduction de gains de poids observées pour des groupes de taille plus élevée en relation avec une ingestion réduite et une activité supérieure. Les effets du logement en groupe des lapins en engraissement ont également été étudiés sur la qualité de la viande avec une viande plus maigre, plus riche en eau, avec moins d'acides gras mono-insaturés et plus de polyinsaturés et saturés en parcs qu'en cages.
En grands groupes, différentes études reportent davantage d'activité, moins de repos et plus d'agressivité que dans des groupes plus petits. Cependant, les résultats sur le gain de poids des lapins élevés en cages ou en logements alternatifs sont parfois contradictoires.

 


Figure 6 : Engraissés en groupes importants, les lapins sont plus actifs et plus agressifs.
Ils ont une viande plus riche en eau , plus maige, avec moins d'acides gras monoinsaurés
et plus d'acides gras polyinsaturés

 

3 - Types de sol Le type de sol pose également des problèmes en engraissement. La plupart du temps, les lapins sont élevés sur du grillage afin de les séparer de leurs déjections. Les quelques auteurs qui ont testé l'engraissement des lapins sur litière ont constaté la consommation de déjections (et donc une augmentation du risque de maladies digestives et de mortalité), ainsi que du matériau de litière qui encombre le tractus digestif et entraîne une moindre consommation des granulés et donc de moins bonnes performances. Différents auteurs ont proposé des tests de choix aux lapins et concluent à la préférence pour le grillage à des températures supérieures à 15-16°C du fait de la déperdition plus facile de la chaleur produite par la digestion.
Lors de ce congrès, Gerencser et al. (Hongrie) ont présenté leurs résultats concernant le choix des lapins en engraissement, à 10°C, entre un sol plastique ajouré, de la litière de paille et du grillage. Dans cette étude, le sol plastique a été préféré au grillage, lui-même préféré à la litière. Si l'on considère les aspects d'hygiène, le meilleur sol reste le grillage car les déjections s'accumulent plus facilement sur le sol en plastique ajouré qu'en grillage.

Figure 7 : Proportions au cours de l’engraissement, de la consommation quotidienne des lapins en fonction de la position de la mangeoire dans les parc disposant de 3 types de sol. La ligne rouge symbolise la valeur attendue (33%) pour une répartition au hasard.
d’après Gerencser et al. (2012).
Figure 8 : Parc d’engraissement disposant de trois types de sol : sol plastique, sol paillé et sol grillagé . Les surfaces sont les mêmes et la température ambante est de 10°C. L’ordre moyen de préférence sur 24 heures est : Plastique > Grillage > Litière paillée, préférences plus marquées en début d’engraissement

4 - Enrichissement du milieu
Figure 9 : Un morceau de bois tendre ne reposant pas sur le sol est une bonne solution pour enrichir l'environnement des lapins en engraissement (Szendrö, 2012)

En ce qui concerne l'enrichissement du milieu en engraissement, Szendrö a évoqué dans son rapport général la préférence des lapins pour une plate-forme en plastique. Dans le cas d'une plate-forme grillage, si un plateau est disponible en-dessous pour recueillir les déjections, l'espace situé sous la plate-forme est plus utilisé car les lapins qui s'y trouvent ne risquent pas de recevoir les déjections des lapins sur la plate-forme et peuvent donc s'en servir comme d'une zone de repos.
Les lapins en engraissement préfèrent d'ailleurs toujours avoir un toit au-dessus de leurs têtes. Au choix, ils préfèrent des cages d'une hauteur de 20 et de 40 cm respectivement pour la phase de repos et d'activité à des cages ouvertes (sans plafond).
L'usage de la plate-forme par les lapins en engraissement dépend de la taille de leur logement. En effet, dans le cas de grands parcs, c'est un espace d'exercice alors que dans des plus petits logements, la plate-forme représente plutôt un espace supplémentaire pour exercer leurs différentes activités.

Des enrichissements liés aux activités orales peuvent également être ajoutés dans les cages en engraissement. D'après la littérature, un bâton de bois mou suspendu ou fixé à la paroi est le meilleur enrichissement.

 

5 - Système d'élevage
Pinheiro et al. (Portugal) ont comparé les performances et les taux de corticostérone de lapins engraissés dans 3 systèmes différents : A cages de 4 lapins (10 cages de 0,3 m²), B parcs fermés sur litière de copeaux de 4 lapins (10 parcs de 2 m²) ou C grands parcs plein air sur pâture de 20 lapins (2 parcs de 80 m²). Les performances de croissance des lapins élevés en plein air étaient significativement moindres que celles des lapins des 2 autres systèmes (41,8 - 41,3 et 33,1 g/jour dans l'ordre A, B,C). Par contre, le taux de corticostérone sanguin était significativement plus bas dans le système plein-air par rapport au système cage (5,2 vs 11,4 µg/L de sérum), signe d'une situation moins stressante. Le système parc avec litière présentait un résultat intermédiaire (9,6 µg/L), sans différence significative avec aucun des 2 autres types de logement.
 

Figure 10 : Les 3 types de logement testés pour l’engraissement => A cage de 0,3 m² pour 4 lapins,
B parc intérieur de 2 m² avec litière pour 4 lapins et C parcours herbeux extérieur de 80 m² pour 20 lapins


6 - Environnement et alimentation

 

Alagon et al. (Pérou/Espagne) ont testé, sur des lapins en engraissement, la valeur nutritionnelle de 2 matières premières fibreuses (sous-produits de distillerie - DDGS et de la pulpe de betteraves) en conditions standard (18-20°C) ou de stress thermique (fluctuation quotidienne entre 26 et 36°C).
Ils montrent que l'ingéré diminue à la chaleur mais que les coefficients de digestibilité apparente augmentent. Toutefois la température ambiante ne modifie pas significativement l'évaluation de la valeur énergétique des deux matières premières (utilisées à 20% en substitution de régime de base). Par contre l'estimation de la teneur en protéines digestibles des pulpes de betteraves est plus élevée à forte température : 6,7 vs 4,5% ± 0,78% de la matière sèche, ce qui finalement n'a que peu ou pas d'incidence sur la formulation des aliments.

IV - EVALUATION DU BIEN-ETRE ANIMAL
 

Quelques études se sont intéressées aux méthodes d'évaluation du bien-être dans différentes conditions. Or, dans sa stratégie 2012-2015, l'Union Européenne souhaite développer des méthodes d'évaluation du bien-être animal, à partir d'indicateurs basés sur l'animal, plutôt que des textes avec des obligations de moyens tels qu'ils étaient développés jusque-là. Ces résultats sont donc très intéressants pour la filière et devraient être approfondis et étoffés.

 

 

 


Figure 11 : Analyse thermographique d’un lapin prise à 50 cm . Température ambiante de 22,1°C lors de cette mesure
et 32,9°C à l’intérieur de l’oreille du lapin

Marelli et al. (Italie) ont testé la pertinence de l'utilisation de 3 méthodes de notation de l'état des animaux : le score de condition physique (note de 0 à 4 : de très maigre à gras) selon Cardinalli et al (2008), un index d'engraissement des animaux domestiques développé par les fabricants d'aliment (1-5 : maigre à obèse) basé sur l'aspect saillant ou non des os du bassin, et les lésions podales (0-3) pour évaluer le bien-être de lapins d'ornement. Ils concluent à l'intérêt d'utiliser ces indicateurs pour évaluer le bien-être de ces animaux. Ces résultats sont de faible intérêt pour l'élevage rationnel français, ces indicateurs étant déjà connus et utilisés.

Oriol et al. (Espagne) ont présenté deux communications sur le stress thermique chaud. La première traitait de l'impact de ce stress sur le comportement des animaux en reproduction. Pour ces auteurs, la "prostration" des animaux en conditions chaudes est un bon indicateur de la situation de stress. Ce comportement est défini comme un animal couché de façon étendue, quelle que soit la partie du corps en contact avec le sol de la cage. La deuxième communication se penche sur l'utilisation de la thermographie infra-rouge pour évaluer le stress thermique des lapins adultes reproducteurs. La prise d'image s'effectuait à 50 cm de distance des animaux logés seuls. Ils concluent à la possibilité d'utiliser la température minimum des yeux et les températures minimum ou maximum du nez (plus sensible) pour évaluer le stress thermique des lapins par thermographie infra-rouge. Cet outil pourrait servir à détecter des zones problématiques en terme de stress thermique dans un bâtiment, pour, par exemple, définir au mieux l'emplacement d'une sonde qui piloterait la thermorégulation du bâtiment.

 

Giammarco et al (Italie) se sont intéressés au transport des lapins et à son effet sur certains paramètres hématologiques, marqueurs du stress. Les prélèvements sanguins ont été effectués 2 jours avant le transport et à l'abattage pour observer les évolutions des paramètres d'intérêt. Les auteurs ont observé une augmentation du nombre de globules blancs,et parmi ces derniers une diminution de la proportion de lymphocytes, une augmentation de celle des neutrophiles et donc une augmentation du ratio neutrophiles/ lymphocytes après le transport par rapport au niveau basal. De même, les augmentations de l'aspartate aminotransférase, de l'alanine transférase et de la créatine kinase indiquent un dommage musculaire ou une activité musculaire intense. L'augmentation très significative du taux de corticostérone (14,9 vs 6,2 ng/mL) est très révélatrice du stress chez les animaux, un stimulus stressant générant la sécrétion de glucocorticoïdes, principalement de corticostérone chez le lapin. L'augmentation de la concentration des paramètres comme le glucose, les protéines totales, l'albumine ou la concentration en sodium et potassium sont plus vraisemblablement liés à la déshydratation pendant le transport. Les paramètres testés dans cette étude sont donc tout à fait pertinent pour évaluer le stress des lapins pendant le transport. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer quelles sont les conditions ayant l'influence la plus forte sur le stress pendant le transport (température, densité,…).

 

V - NORMES, EVOLUTIONS REGLEMENTAIRES
 
Deux communications ont évoqué la problématique de la normalisation nationale ou européenne des conditions de logement des lapins.

Hoy (Allemagne) a rappelé que les seuls textes régissant le logement des lapins au niveau européen sont la directive 2010/63/CE sur les animaux utilisés à des fins scientifiques, qui ne s'applique donc pas à l'élevage pour la consommation humaine, et la directive 98/58/CE, directive cadre sur la protection des animaux d'élevage, qui reste très générale. Il présente également les recommandations établies par la branche allemande de la WRSA et la proposition de texte effectuée en 2011 par le ministre de l'agriculture allemand. Pour l'auteur, ce texte fait des propositions incompatibles avec les réalités économiques de l'élevage de lapins à savoir des dimensions très grandes : 1000 cm²/ animal et une largeur de 80 cm pour permettre aux animaux de s'allonger (au-delà des normes inscrites dans la directive sur l'expérimentation). Le gouvernement allemand souhaite la présence d'une aire non perforée pour le couchage des lapins mais cet ajout, en plus de l'ajout en continu de foin ou de paille également requis, peut entraîner des problèmes de colibacilloses ou de coccidioses du fait de la non séparation des animaux avec leurs déjections. Ils demandent également une retraite à l'abri des regards pour les lapins qui est incompatible avec la surveillance quotidienne du troupeau. L'auteur conclut sur le fait que la proposition allemande est loin des recommandations validées scientifiquement et est aujourd'hui en révision.

 

Villagra et al. (Espagne) se sont attachés à démontrer que les informations scientifiques disponibles étaient encore trop peu étoffées pour être en mesure d'établir les besoins réels des lapins et donc de définir les caractéristiques minimales d'un logement en mesure d'assurer un meilleur bien-être à ces animaux. En s'appuyant sur l'exemple de la hauteur des cages ou de l'ajout de plate-forme, cette équipe a démontré que des normes pouvaient influencer très fortement les résultats des exploitations (hygiène et économique) et qu'il était donc important de prendre son temps pour les établir. Ces auteurs concluent sur des recommandations en termes de dimensions de cages pour les femelles allaitantes de 45 x 75 x 38 cm (hauteur, longueur, largeur) avec une surface minimale de 3500 cm² en excluant le nid.

 

CONCLUSION
 
En conclusion, des résultats intéressants ont été présentés sur les aménagements et enrichissements possibles de logements des lapins. Quelques études se sont également intéressées à l'évaluation du bien-être des animaux. Cette thématique mériterait d'être plus développée à l'avenir étant donné la stratégie de l'Union Européenne pour 2012-2014. Le développement de mesures d'indicateurs simples, basés sur les animaux, permettrait d'éviter l'écueil pointé par les auteurs qui se sont intéressés à l'établissement de normes sur le logement du lapin, à savoir la compatibilité de ces normes avec la situation économique des filières ou encore la santé des animaux.